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Citation de Poulpe40


Juin 1964

La cérémonie m'a fatiguée. Je me sens tout molle, inerte, incapable de me lever pour ouvrir le réfrigérateur ou tourner le bouton du poste de TV. Du reste, qu'ai-je besoin d'images, alors que celles de la journée d'hier se déroulent sans fin dans ma tête ? La pluie, qui rayait interminablement les champs et décourageait l'encensoir du curé. La grosse voiture noire que dérapait sur l'argile détrempée, balançant la couronne barrée d'un ruban violet où brillait "A NOTRE MERE" en majuscules d'argent. Et, derrière elle, le martèlement lent des jambes endeuillées surmontées d'un bouquet de parapluies ; cortège sans regards et sans expressions. Le seul visage dont je me souvienne vraiment -- et même, je m'en souviens si fort que cette image pâlit toutes les autres -- est celui de Reine entrevu le jour d'avant, Reine sur son lit, raide et tannée, un chapelet entre ses mains parcheminées, Reine dont le visage tendu avait retrouvé les angles et les méplats d'une maturité oubliée. Sur ses lèvres pourtant closes semblait errer l'ombre d'un sourire ironique. Elle paraissait prête à fustiger, de l'un de ces traits impitoyables dont elle avait le secret, ces voisins endimanchés en chapeau rond, qui ne l'avaient pas vraiment aimée et feignaient la tristesse en brandissant au-dessus d'elle un rameau de buis trempé dans l'eau bénite.
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