AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Samuel Ghiles-Meilhac (2)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées
Le CRIF

Le CRIF est un acteur original de la vie française. Son dîner annuel est devenu un rendez-vous incontournable. Dans une France qui récuse le communautarisme, le CRIF s’est érigé en lobby puissant et jalousé. Pourtant, aucune étude approfondie ne lui avait jamais été consacrée. La thèse en sciences politiques de Samuel Ghiles-Meilhac, dirigée par Michel Wieviorka et publié dans la collection que celui-ci dirige chez Robert Laffont, vient combler cette lacune. Il a eu accès à ses archives et a longuement interviewé ses dirigeants présents et passés.

Même si le jeune chercheur n’est pas historien, son livre retrace l’histoire du CRIF depuis sa naissance en 1943, aux heures les plus sombres de la Shoah. Dicisé en plusieurs obédiences, les Juifs communistes, sionistes et bundistes acceptent pour la première fois de s’unir. C’est le Conseil représentatif des israélites de France, rebaptisé Conseil représentatif des Juifs de France, puis Conseil représentatif des Institutions juives de France. Le nom change, mais le sigle reste : le CRIF sera toujours le CRIF.

Pendant vingt ans, le CRIF ne fait pas parler de lui. Comme les Israélites d’avant-guerre si désireux de s’intégrer à la société française, les Juifs d’après-guerre ne souhaitent pas afficher une identité communautaire. Leurs relations avec le jeune Etat d’Israël sont distantes pour ne pas nourrir le soupçon de double allégeance.

Tout change en 1967. Alors que l’arrivée massive de nombreux Juifs séfarades d’Afrique du Nord rajeunit et dynamise la communauté, la crainte de voir disparaître Israël, les critiques du général De Gaulle envers un « peuple d’élite, sûr de lui et dominateur » et la fierté d’une victoire d’une victoire militaire éclatante. Le CRIF, qui n’était jusqu’alors qu’une association de notables, peu connu du public et sans moyens financiers, sort de sa léthargie.

Avec une visibilité croissante, le CRIF fait entendre sa voix autour de trois thématiques. Le premier est celui de la relation à Israël dont le CRIF soutient sans nuance la politique. Le deuxième est la lutte contre l’antisémitisme qui revêt une actualité d’autant plus grande que la popularité du Front national ne cesse de croître. La troisième, la plus intéressante pour l’historien, est le rôle de « gardien de la mémoire ». Le CRIF s’est arrogé ce rôle à partir notamment de l’affaire du carmel d’Auschwitz à l’occasion de laquelle il a inauguré une « diplomatie de la mémoire » (p. 97) pour faire obstacle à l’implantation d’un couvent catholique sur ce lieu central dans la mémoire de la Shoah.

Il est dommage que l’ouvrage trop court de Samuel Ghiles-Meilhac glisse rapidement sur cette question. Il évoque d’un mot les liens « institutionnalisés » (p. 253) entre le CRIF et la Fondation pour la mémoire de la Shoah. Il signale évasivement les recherches universitaires financées par le CRIF et publiées dans Les Etudes du CRIF. Mais, alors qu’il critique durement le manque de distance du CRIF à l’égard d’Israël et les dissensions que suscite depuis 2000 la droitisation de l’organisation, il n’explore guère la place de cette institution dans l’écriture de l’histoire des Juifs de France.

Cette lacune, si elle frustre l’historien, n’enlèvera rien au plaisir que prendra le citoyen à la lecture de cet ouvrage qui sait toujours conserver la bonne distance à l’égard de son objet d’étude.
Commenter  J’apprécie          60
Des français israélites

C’est clair ! Ce n’est pas un roman policier ! (Bon, là, déjà, je viens de perdre tous les likes potentiels des inconditionnels de la Série Noire.) Mais... A l’instar des polars, c’est à la toute fin, à la lecture de l’épilogue, que le lecteur, déjà bien nourri de l’œuvre, de ses thèmes et de leur traitement et s’apprêtant à fermer le livre et à réfléchir à sa prochaine critique d’enfer, est surpris par un rebondissement plutôt inattendu.



Première morale de l’histoire : IL FAUT TOUJOURS LIRE LES LIVRES JUSQU’AU BOUT !



Cet imprévu est de l’ordre du sentiment de la page qui se tourne. En effet, le récit essentiellement historique de l’ouvrage est centré sur l’impérieuse quête de reconnaissance et d’intégration de grandes familles juives du 18e au 21e siècle dans la nation et la société françaises. Or, ce qui est remarquable, c’est qu’au fil des générations et indépendamment de leur région d’appartenance, cette volonté se manifeste avec la même force, et surtout qu’elle va de pair avec une autre résolution tout aussi forte, celle de vivre librement leur judaïsme. Or, il apparaît que sur ce point de la religion, les ultimes rejetons du 21e siècle – dont un des auteurs fait partie –, ne semblent pas avoir la même ferveur que leurs ancêtres. Bien sûr, ils continuent de se revendiquer juifs mais ne le sont plus stricto sensu et en ont perdu de facto la pratique. Leur judéité n’est plus le judaïsme. Elle est donc plus du domaine de la culture, des racines et de l’histoire familiale que de la religion.

Au regard de leur généalogie exemplaire, cela interroge un tantinet :

· Y a-t-il véritable fidélité à cet héritage ?

· Le fait de gagner cette reconnaissance citoyenne impliquait-il peu ou prou la dilution, l’assimilation ?

· De telles conséquences étaient-elles finalement inéluctables ?

· Les aïeux ont-ils joué avec le feu ? Ont-ils finalement échoué ?

· Le judaïsme peut-il se pratiquer au sein d’une société laïque ?



On pressent l’existence de quelques dilemmes pour ces dernières générations ; dans le livre ils se traduisent notamment dans l’emploi de termes à leur égard comme ‘juif non-pratiquant’, ‘juif laïc’, ‘Français d’origine juive’. En tout cas, l’auteurdernierrejeton souhaite montrer par cet ouvrage, à la fois dans son contenu et à la fois par l’existence même de celui-ci, que la réponse à ces questionnements est positive, et qu’il s’inscrit bien dans la continuité de ses ancêtres.

On peut ne pas être d’accord.



Deuxième morale de l’histoire : Y A PLUS DE JEUNESSE !



Au-delà de ces débats, on peut toutefois reconnaître que la fierté de l’auteur envers ses ancêtres est totalement légitime. En effet, l’histoire de ceux-ci est édifiante. Particulièrement par leur volonté d’exemplarité et d’excellence. Leur foi absolue dans la France et dans l’intuition que ce pays est le leur et celui de leur liberté, a toujours perduré malgré les hauts et les bas, les discriminations, les rejets qui ont jalonné ces parcours. Cette certitude s’exprime notamment au travers du pari du légalisme que tous pensent être LA solution de leurs démarches.

Leurs multiples réussites semblent être là à la fois pour témoigner de leur engagement total au service de cette vision et pour en valider la justesse. En effet, ils ont de tout temps et partout contribué très fortement au développement de la vie politique, industrielle, commerciale, financière de la France (rien de moins !). Ils ont également occupé les plus hautes fonctions de l’Etat (ambassadeurs, généraux, députés, hauts fonctionnaires...) et reçu les plus hautes distinctions. L’histoire de ces familles est donc bien au cœur de l’Histoire de France.



Au-delà de l’intérêt historique et des quelques questions déjà évoquées, cette saga a également une dimension sentimentale liée au fait qu’elle implique personnellement un des auteurs. C’est en effet la fierté de celui-ci qui est exprimée tout au long de l’ouvrage.

Ainsi, au fur et à mesure que l’Histoire se rapproche de notre époque, l’historien laisse la place à l’héritier. Et, ce glissement des rôles culmine évidemment avec la narration de la vie de son grand-père tant admiré. Cette admiration légitime semble être même l’origine de tout le projet du livre, comme si pour donner toute son importance à ce grand-père et le mettre suffisamment en valeur, il avait dévidé la belle pelote de la vie des ancêtres.



En conclusion, l’intérêt du bouquin est qu’il ne correspond pas qu’à un seul genre (livre d’Histoire, saga familiale), qu’il est guidé par un questionnement à la fois actuel et de toujours (qu’est-ce qu’être français pour un juif ?). Ces caractéristiques marient ainsi le côté instructif, une actualité sur quelques problématiques sociales et spirituelles ainsi qu’une dimension bien humaine, faite de chair et d’âme ; tout ceci concourant à en faire un livre plaisant et intéressant.



Troisième morale de l’histoire : CET OUVRAGE N’EST VRAIMENT PAS UN ROMAN POLICIER !
Commenter  J’apprécie          30


Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Samuel Ghiles-Meilhac (3)Voir plus

Quiz Voir plus

Quelques polars célèbres

"Da Vinci _ _ _ " de Dan Brown

rôde
dévoilé
Code
et le mystère de la vierge

10 questions
986 lecteurs ont répondu
Thèmes : romans policiers et polarsCréer un quiz sur cet auteur

{* *}