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Citation de enkidu_


Stimulé par tout ce que je découvrais, je passai, durant mon séjour à Damas, une bonne partie de mon temps à lire tous les livres sur l'Islam sur lesquels je pouvais mettre la main. Mon arabe, bien que suffisant pour la conversation, ne l'était pas encore pour lire le Coran dans le texte et je dus recourir a deux traductions, l'une française et l'autre allemande, que j'empruntai à une bibliothèque. Pour le reste, je devais me contenter des ouvrages des orientalistes européens et des explications de mon ami.

Ces études et conversations, si fragmentaires fussent-elles, me donnèrent l'impression de lever un rideau. Je commençais à discerner tout un monde d'idées dont j'avais été totalement ignorant jusqu'alors.

L'Islam ne me paraissait pas une religion au sens courant du terme, mais plutôt une manière de vivre ; moins un système théologique qu'un ensemble de règles de conduite individuelle et sociale fondées sur la conscience de Dieu. Nulle part dans le Coran je ne pus trouver de référence a la nécessite du « salut ». Aucun péché originel ou hérité ne s'interposait entre l'homme et sa destinée, car « rien ne sera attribué à l'homme sauf ce à quoi il s'est lui-même efforce », Aucun ascétisme n'était exige pour ouvrir la porte de la pureté, car celle-ci appartenait à l'homme à sa naissance et le péché n'était rien d'autre qu'une chute à partir des qualités innées et positives dont était dit que Dieu avait doté chaque être humain. Il n'y avait aucune trace de dualisme dans la manière dont était envisagée la nature de l'homme : le corps et l’âme semblaient envisagés comme constituant un ensemble intégral.

Au début je fus un peu déconcerté de voir le Coran se préoccuper non seulement de choses spirituelles, mais aussi de nombreux aspects temporels ou même triviaux de Ia vie. Mais je finis par comprendre que si l'homme, avec son corps et son âme, constituait une unité intégrale, comme I'Islam le soulignait, aucun aspect de la vie ne saurait être trop « trivial » pour ne pas échapper à la compétence de la religion. Cependant le Coran ne perdait pas une occasion de rappeler que la vie de ce monde n'était qu'un degré dans le cheminement de l'homme vers une existence plus élevée et que son objectif final était de nature spirituelle. La prospérité matérielle, disait-il, était désirable sans toutefois être un but en soi. C'est pourquoi les appétits humains, si justifiés puissent-ils être en eux-mêmes, doivent être refrénés et maitrisés par la conscience morale. Et cette conscience ne doit pas dépendre seulement de la relation de l'homme avec Dieu, mais aussi de ses relations avec les autres hommes, II ne s'agit pas seulement de la perfection de l'individu, mais aussi de la réalisation de conditions sociales qui puissent contribuer au développèrent spirituel de chacun, de sorte que tous vivent une vie de plénitude...

D'un point de vue intellectuel et éthique, tout cela était beaucoup plus « respectable » que tout ce que j'avais précédemment entendu ou lu sur l'Islam. J'y trouvais une approche des problèmes de l'esprit qui me paraissait plus profonde que celle de I'Ancien Testament, et qui, en outre, ne témoignait d'aucune prédilection envers une nation particulière. Et la manière dont étaient envisages les problèmes de la chair était, à l'inverse du Nouveau Testament, résolument affirmative, L'esprit et la chair, son droit reconnu à l’un et à l’autre, apparaissaient comme les deux aspects de la vie humaine créée par Dieu.

Je me demandais si cet enseignement n'était peut-être pas à l'origine de cette sérénité que j'avais perçue chez les Arabes. (pp. 121-122)
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