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Citation de enkidu_


Telle une épidémie, telle la course aux automobiles, réfrigérateurs et postes de télévision qui caractérisera notre après-guerre, la passion des livres se propage à travers l’empire arabe. Elle atteint tous ceux qui ne peuvent s’en offrir le luxe. Elle contamine les gens avec une violence et une ampleur qu’on ne retrouvera guère que dans les temps modernes.

De même que le niveau économique, social et intellectuel de l’homme moderne se mesure aux dimensions de sa voiture ou de son poste de télévision, celui de l’Arabe d’entre les IXe et XIIIe siècles est fonction de la quantité de livres qu’il détient (…) les bibliothèques sortent soudain de terre comme des champignons. Dès 891, un voyageur compte dans la capitale plus de cent bibliothèques publiques (…) au Xe siècle, une petite ville telle que Najaf en Irak peut s’enorgueillir de posséder quarante mille volumes, alors qu’à la même époque dans les monastères d’Occident les quelque douze livres qu’on y détient sont enchaînés eu égard à leur rareté. Il ne faut pas moins de dix grands catalogues pour dresser la liste des livres de la bibliothèque municipale de Ray. Chaque mosquée possède sa bibliothèque (…) ce qui vaut pour le calife de Bagdad vaut aussi pour le plus petit prince du secteur le plus éloigné de l’empire. Un émir d’Arabie du Sud, réputé d’ailleurs pour sa vaste culture, possède cent mille volumes.
(…)
Où trouve-t-on aujourd’hui des bibliothèques privées de vingt ou trente mille volumes, telles qu’en possédaient Ibn al-Moutran, médecin traitant de Salah ad-Din, Ibn at-Talmith, le célèbre pharmacien, ou Ibn al-Qifti, l’historien ? Tous livres qui n’étaient pas imprimés sur des rotatives mais écrits à la main, ce qui exigeait des mois sinon des années de travail et ne rendait pas le prix de l’objet particulièrement abordable ! Pour la copie d’un ouvrage d’Euclide, Ibn al-Haïtham, créateur de l’optique, reçut la somme de soixante-quinze dirhams qui lui assurèrent six mois de subsistance.
(…)
« Bah ! il ne s’agit là que de cas isolés, de quelques personnages particulièrement érudits ! objectera-t-on. Cette sorte de gens-là a bien entendu besoin de posséder toute une littérature spécialisée ! Et, quoique peut-être à un moindre degré, de telles exceptions n’en ont pas moins existé de tout temps ! » Mais non, justement. Chez les Arabes, les amateurs de livres ne constituent pas une petite élite, car on en trouve parmi les gens de toute condition. Tout homme instruit, qu’il soit grand personnage politique ou charbonnier, cadi de la ville ou simple muezzin, fréquente assidument les librairies. Au Xe siècle, la bibliothèque moyenne d’un particulier contient plus d’ouvrages à elle seule que toutes les bibliothèques d’Occident réunies. (pp. 234-237)
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