Assurément, en un sens, la femme est mystérieuse, "mystérieuse comme tout le monde" selon le mot de Maeterlinck. Chacun n'est sujet que pour soi; chacun ne peut saisir dans son immanence que soi seul : de ce point de vue l'autre est toujours mystère. Aux yeux des hommes l'opacité du pour-soi est plus flagrante chez l'autre féminin ; ils ne peuvent par aucun effet de sympathie pénétrer son expérience singulière : la qualité du plaisir érotique de la femme, les malaises de la menstruation, les douleurs de l'accouchement, ils sont condamnés à les ignorer. En vérité, il y a réciprocité du mystère : en tant qu'autre, et qu'autre de sexe masculin, il y a aussi au cœur de tout hommes une présence fermée sur soi et impénétrable à la femme ; elle ignore ce qu'est l'érotisme du mâle. Mais selon la règle universelle que nous avons constatée, les catégories à travers lesquelles les hommes pensent le monde sont constituées de leur point de vue comme absolues : ils méconnaissent ici comme partout la réciprocité. Mystère pour l'homme, la femme est regardée comme mystère en soi.