AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de SZRAMOWO


Cette nuit, dans la mangrove, les hommes de Tavares que je guidais jusqu’à l’entrée du canal n’ont rien trouvé. Pas de trace du corps de Lize et je ne sais plus si je dois être soulagé ou non. Je ne ressens plus rien que de la haine pour le Bahaméen. Et cette haine dirigée, putain, voilà ce qui me soulage désormais. De retour au squat de La Havane, une bière à la main, je regarde Mélo et Frite cuisiner torse nu le crack. Il est 4 heures du matin. Face à face, les deux sont silencieux et concentrés. Ils portent des masques de chirurgien et des gants en latex. En vrac, devant eux, une boîte éventrée de bicarbonate, des flacons d’ammoniaque et d’alcool à 90 %, des sachets de levure Alsa, de la poudre de lait, quelques cachetons de Doliprane, mais surtout, au centre de la table, un petit tas de coke dans un bol en porcelaine dans lequel ils piochent chacun leur tour. Mélo fait une pause pour fumer une clope avec moi tandis que Frite lance une fournée. Le Dominicais a tellement fait ça toute sa vie qu’il pourrait baser sa coke en dormant. Il place d’abord sa blanche dans l’une des trois grandes cuillères qu’il a alignées devant lui. Il couvre la merde d’ammoniaque puis il fait aller et venir le métal sous la flamme pour faire apparaître le caramel au centre de sa cuillère. Dans la pénombre de la pièce, ses gants blancs dansent, précis, sous la flamme et jettent des ombres. De temps en temps, Frite rince la merde d’un peu d’alcool pour chasser l’ammoniaque et le dépôt, puis il recommence encore et encore. Il ajoute un peu de levure pour donner du volume. Le visage en biais, il observe de près le caillou et, si c’est assez, il finit par rincer dans un bol d’eau et dépose sa petite pépite cramoisie de crack avec les autres dans une boîte en plastique. La merde que Frite fabrique, je peux t’en parler, elle est très forte. Elle te défonce trois heures durant et les jumpy, c’est la clé, en redemandent. À la revente, je prends 200 % sur le moindre caillou produit ici. À Pointe-à-Pitre, il faut moins de trois heures à un de mes gars pour écouler cent vingt galettes. Ils dealent à La Havane mais surtout à « Washington », la cité Henri IV, où j’ai planté mon drapeau. Des points de vente sur les quatre barres qui cashent en toute saison, de jour mais surtout la nuit. Les cousins vendent la merde trente francs l’unité, jamais moins. Ils se protègent les uns les autres. Ils surveillent les accès grâce aux petits du quartier et, malgré l’envie de faire toujours plus d’oseille, je leur impose de tourner la vente d’une barre à l’autre. De la AA à la AD, c’est chaque jour, un hall différent. Aux camés de s’y retrouver.
Commenter  J’apprécie          20





Ont apprécié cette citation (2)voir plus




{* *}