Un essai remarquable, à mettre entre les mains de tous les citoyens. L'autrice analyse ce phénomène récent dans nos sociétés de "l'état d'urgence" qu'elle distingue avec soin de l'état d'exception. Ce dernier, séculaire, s'oppose depuis l'Antiquité en période de crise à l'état de droit, en légitimant la confiscation par le souverain des libertés civiques afin de protéger la cité, au prix d'une certaine anomie juridique. L'état d'urgence, au contraire nous montre SHV, parasite l'état de droit en le corrompant par une production juridique intense, qui réduit les droits des citoyens face à l'Etat et accroît l'impunité des dirigeants. SHV détaille spécialement le (peu reluisant) cas français en analysant le recours prolongé à l'état d'urgence suivant les attentats de novembre 2015, puis l'invention de "l'état d'urgence sanitaire" pendant la pandémie de coronavirus. A la réflexion juridique et morale s'adosse une analyse factuelle minutieuse, qui permet au lecteur, hélas a posteriori, de réaliser le danger qu'ont représenté et représentent toujours les privations de liberté justifiées par l'invocation des menaces terroristes et sanitaires.
L'essai est complété par d'intéressantes prolongations, dont un échange avec une juriste onusienne, apportant un regard international, et un examen de l'état d'exception sous l'antique République romaine.
J'ai failli mettre cinq étoiles, le tout petit bémol à mon avis est une exploration insuffisante de l'intrication des constructions juridiques françaises, peut-être européennes, et internationales, qui constitue peut-être un angle mort gênant pour construire un programme de lutte pour la préservation et la restauration d'institutions démocratiques dans notre pays.
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