Suzanne Marchand (II)

Le patrimoine hospitalier est aujourd’hui bien malade. Il est la victime impuissante d’un virus inéluctable qui se nomme « modernisation » : les anciens bâtiments, devenus trop étroits, ne sont plus adaptés aux soins et sont abandonnés. Certains, entièrement rénovés pour l’accueil des patients, n’ont plus les moyens financiers d’assurer l’entretien de chapelles séculaires, d’oeuvres d’art fragiles ou de matériel médical obsolète. Que faire de tous ces édifices immenses, de leurs tableaux religieux et de leurs lits à courtine ou encore des pots, bouteilles et chevrettes des apothicaireries d’antan ?

Le cas de la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Lyon, montre que le maintien in situ des oeuvres est possible. Pendant plusieurs années, diverses menaces planèrent sur ce magnifique hôpital reconstruit au XVIIIe siècle par Soufflot sur les bords du Rhône, qui était désaffecté depuis 2007 ; jusqu’à ce qu’un projet de reconversion en hôtel et centre multi-activités promette de le revigorer. Demeurait le problème de sa chapelle, qui comporte la particularité d’être ouverte sur la ville, tout en étant enclavée dans l’hôpital. Si elle avait souffert du vandalisme révolutionnaire, elle était néanmoins un des plus beaux fleurons de l’art baroque lyonnais. Surtout, elle avait été entièrement redécorée au XIXe siècle et offrait un exemple complet d’ornementation néo-baroque des années 1850-1860. La sauver des outrages du temps, alors qu’elle était gravement empoussiérée, atteinte par les ravages de l’humidité, ses peintures fissurées et son mobilier dégradé, était urgent. Or c’est une opération en bonne voie, grâce à l’union des Hospices civils, de la Ville, de la direction régionale des affaires culturelles, d’une association et des Lyonnais eux-mêmes, dont la générosité individuelle a été déterminante. Mais il ne faut pas oublier les universitaires et les restaurateurs, qui ont permis à tous de prendre conscience de la valeur patrimoniale de cette architecture religieuse exceptionnelle du XVIIe siècle, dont le portail fut sans doute inspiré d’un dessin de Pierre Le Muet pour l’hôtel particulier parisien du comte d’Avaux. L’ouvrage issu de leurs recherches est un modèle du genre. C’est d’abord un guide clair et concis, égayé par des photographies, des plans et des restitutions, qui fait revivre toute l’histoire de la chapelle sur plus de quatre siècles grâce à des archives inédites. C’est encore un « carnet » de restauration, qui explique par des illustrations frappantes et des textes très accessibles les étapes de la résurrection des fresques, des dorures, des sculptures, des marbres et des ferronneries. Les droits d’auteurs de ce livre, courageusement publié par une maison d’édition spécialisée dans le patrimoine lyonnais, seront reversés intégralement pour aider à la restauration de la chapelle. La malade est en bonne voie de guérison : les lecteurs la sauveront définitivement en se délectant de ce joli livre.



Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 510, mars 2015