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Critiques de Sylvie Fabre G. (5)
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Corps subtil

Après la lecture du très beau recueil de Sylvie Fabre G. Nos voix persistent dans le noir, j'ai souhaité voir se confirmer la très bonne impression que j'avais en découvrant sa poésie. J'appréhendais un peu ce moment. Avec Corps subtil, un recueil publié à L'Escampette éditions, mon attente fut comblée. Au fil des pages et des textes, j'ai retrouvé la même réserve de poésie tout en maîtrise et en subtilité.



Corps subtil, c'est la rencontre de deux amants, une succession de textes en prose, un (auto)portrait de femme dans lesquels l'aimée livre ce qui dans sa relation à l'autre, l'a conduit hors mais aussi au plus près d'elle-même. Portée par le désir, par l'attente, par l'union ou encore l'absence, elle partage son sentiment de bonheur, ses doutes, sa relation comme une succession de (re)commencements, rythmes d'une histoire vécue corps et âme, jusqu'à son terme.



Dans une magnifique écriture de Sylvie Fabre G., il semble qu'amour et poésie soient les deux noms d'une seule et même vérité, celle de l'intime habitant toute une existence. Dans ses poèmes, l'auteure livre le portrait d'une femme amoureuse qui est allée loin dans l'oubli de soi. C'est dans cette dépossession d'elle-même qu'elle se retrouve agrandie, élevée, magnifiée mais aussi fragilisée. Plus elle s'éloigne, s'enfonce et se perd hors d'elle-même, plus elle se lie à son centre de gravité, à son récit.





« le poème et l'amour sont ensemble vigie. Rompant

le temps, ils portent l'énigme jusqu'au centre aveuglant

de la vie.



Tu gardes cet élan auquel ils croient pour dépouiller

la langue et trouver sous ta main la colonne vertébrale

d'une voix pure, et tu aimes qu'elle dise à la lettre la

beauté du jamais et tu aimes qu'elle chante dans le silence

d'une âme emprisonnée.



du lointain de l'amour au dedans du poème,

la voix bat de partout. »





Sylvie Fabre G. rend compte ici d'une expérience radicale, faite de souffle, de sang et semence, une poésie où le corps n'est pas aboli mais transfiguré. Ce qui m'a séduit dans son recueil, c'est qu'il ne s'agit pas d'une répétition d'une matérialité anecdotique se suffisant à elle-même, mais d'une recherche de signification transcendante, d'un au-delà du corps et de l'âme, comme une poésie qu'accomplit la promesse du désir.





« Il y a d'abord l'étonnement. Indices de méditation,

les mots t'amènent là où il veut : au faîte.



L'arbre, la nuit, tout est si vrai. Les feuilles restent

silencieuses, un peu d'or par-dessous tes pieds, par-dessus

le soir les étoiles. Dans l'étendue, l'âme fait des siennes.

Danseuse insolite, elle ne demande plus ton avis, elle

s'entoure de rares traînées de bleu et tu t'allonges dans

son désir qui brille en haut.



Parfois l'amour est si grand qu'il devient matière

subtile. Sans bord, le corps s'y déverse et les mots à son

poignet s'hypnotisent. »



.
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L'approche infinie



L'approche infinie est ce mouvement perpétuel, cette quête de distance, cette envie de voyage qui nous éloigne de nous-mêmes mais qui aussi nous ramène à notre part essentielle. C'est cette réflexion qui domine dans le très beau recueil de Sylvie Fabre G.



Au travers du portrait d'une femme, l'auteure interroge le regard qu'elle porte sur la nuit, l'arrière-saison, les jours de pluie, le temps qui passe, inexorable, sur les moments vacants, l'espace vide où elle cherche un peu de sens à son existence devenue trouble et incertaine.

Pour changer l'horizon des choses, s'affranchir de cette pesanteur qui ne dit pas son nom, le voyage offre une promesse, une possibilité de retrouver là-bas celle qu'elle a perdu ici : elle-même.



Le voyage est un chemin qui va à rebours du temps, la beauté d'une île de la mer Égée et toute l'étendue de la mer autour, que se partagent le soleil, le vent et le bleu du ciel.



« Sur le bateau

tu respires

les fumerolles du bleu.



L'eau bout

brasse une fleur mousseuse

parcelles de soufre

réfraction

la lumière polit la mémoire

quelques heures l'enlumine.



La terre se dissout

ras du ciel, de l'eau

tu vas vers l'effacement



au large. »



Les ruelles, les escaliers des terrasses du petit village, les senteurs des herbes, les silhouettes des vieilles femmes et des popes, le vin bu, la coupole d'une chapelle ouverte, l'humeur flâneuse sur les chemins à l'écart, le temps qui se repose à l'ombre des oliviers, jusqu'au soir qui tombe...



L'approche infinie, ce sont ces lieux que nous empruntons et qui nous traversent, cette destination que nous sentons être la nôtre mais que nous voulons dépasser, chemin qui mène jusqu'à soi, où l'éternité s'imprègne d'éphémère.



J'aime quand les mots-signes investissent tout entier l'imaginaire, quand la poésie ouvre la destination d'un voyage qu'il nous faut mener seul jusqu'à la retrouver au bout du chemin. Dans ce recueil de Sylvie Fabre G., le signe se propage, fait naître des images pleines d'évocation, de sublime.



« Entends les cyprès respirent

exhalent le souffle du matin



qui marche dans la genèse odorante de l'île ?



La rivière couvre la chaleur

romarin, sauge et laurier s'y glissent

le jour vibre sur gouffre blanc.



Dans le remuement lumineux

une chapelle, ouverture

suffocante sur la colline.



La bougie vibre sur le gouffre noir

Tu t'assombris

la prière ravive le fresques



Et ton cœur



Des ombres se détachent

muettes fleurs de maquis

s'abîment dans l'excès de midi. »





.
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Nos voix persistent dans le noir

Publié en 2021 aux Éditions L'herbe qui tremble, Nos voix persistent dans le noir est le tout premier recueil que je lis de Sylvie Fabre G..

Écrivaine, ancienne enseignante, traductrice et chroniqueuse dans plusieurs revues dédiées à la littérature et à l'art, son abondante oeuvre poétique, commencée en 1975, a été diffusée par de nombreuses maisons d'édition.



Attiré par le titre et les illustrations de Jean-Gilles Badaire, c'est plein de curiosité que je suis entré dans le recueil, dans cette obscurité où les voix subsistent encore.



Dans des poèmes en vers réguliers, dans une écriture pleine de sobriété, de lyrisme et de belles métaphores, Sylvie Fabre G. livre ses impressions, son inquiétude profonde sur le monde qui nous entoure, sur le sombre et froid déterminisme des "décideurs", du vacarme d'un monde enlisé dans le profit et sur la perte de sens qu'il génère.



Au milieu de cette inquiétude, l'auteure place en contrepoint notre rapport à la nature et au temps, ces deux entités mêlées qui nous traversent et nous constitue, et ce qu'il reste encore de notre capacité à nous émouvoir, de nous attacher à la parole, seule valeur qui engendre et perpétue, seule valeur qui peut être donnée en partage, qui offre la lucidité pour comprendre notre existence et l'abandon nécessaire pour y consentir.

La parole s'imagine, s'emploie et se déploie, elle devient un acte de résistance :



« La tâche est de résister à la danse effarée des ombres

aux razzias des forces hostiles, côté noir/

Si nous l'accomplissons glorieusement, notre parole

abandonne le lamento respire s'éprend, côté or.

Elle devient mots d'entente, provisions d'avenir

qui relèvent autant de la légende que de l'histoire.

Au fond de nous, les règnes dans leur entremêlement

millénaire ne lui lèguent-ils pas la vitalité commune

au cycle des semailles des moissons et des ossements ?

Son message flamboie au bois de ta vie et de ma mort. »*





Jouant sur les contrastes, les variations de tons, l'écriture de Sylvie Fabre G. condense le motif et libère l'intuition et inversement. Sa poésie évolue, sublime, toujours dans « ce don d'incertitude et d'émerveillement ».

Nos voix persistent dans le noir, découverte passionnante d'une auteure, d'une poésie inquiète et belle comme un espoir en devenir.



« le poème de la vie inventerait-il son propre phrasé

hors des basses métaphysiques des cadences patriarcales

des scies économiques ? Il trouverait sa tonalité

de bonheur : le corps né, le corps aimé, me corps mort,

le lien est un cordon tranché, mais aussi invincible

que la ligne d'horizon et ineffaçable que le trait

de l'oiseau qui s'enfuit dans le bleu. Ta langue

lui bâtit une maison, pleine elle est déjà vide mais

en secret elle engrange dans ses réserves et fait courir

telle une prière exaucée la basse continue d'un oui. » **







(*) p. 76 et (**) p. 74 - extraits de « Vers l'inconnu – tant de remous de détours… »
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L'inflexion du vivant

(critique couplée à celle de Deux terres, un jardin)



Deux plaquettes, deux chemins diffusant la même exacte clarté, la même voix roulant les lettres pour dire les mystères d’une âme qui s’élance vers l’autre (« au noir de toi / soleil de l’autre / qui donne lettre ») et d’un monde que l’on cherche à habiter dans son entièreté, dans ses contradictions, ses possibles et ses impossibles (« au pied des parois / le don du verbe à l’azur / descelle les distances / unit le perdu au perdu »).



Lire Sylvie Fabre G., c’est aller à la rencontre d’un visage-paysage cherchant à dire l’entre-deux des âmes et des pays qu’elles habitent. C’est se servir des mots comme de persiennes pour deviner, en clair-obscur, dans son appel vers l’autre, le « je » (« un pré en pente/ extraordinairement menacé »), ses limites, ses partages, sa quête d’unité, son questionnement qui, fouissant dans les mots, trouve dans le mystère son écho (« questions à l’intérieur de toi / tels défilés ou sanctuaires / vides. »).



Bercé par cette voix auscultant, douce insistante, les jardins verbaux qu’elle cultive, le lecteur traverse sa propre langue comme un paysage rêvé, où le versant enneigé d’une montagne est une « parole maladroite », le buisson une parole ébouriffée, les mots des murs fleuris, l’indicible une chute de pétales et de plumes ; où résonne « enchevêtré, embué / le nom » et où « la parole glisse dans le tracé d’une allée / au profond de la charmille / où s’extasient les oiseaux ».



Que ce poème-jardin semble parfois réel importe peu, tant le lecteur, captif de ce chant aux inflexions riches de flagrances, crie en écho son allégeance au vivant, dans toute sa sensualité vibrante, éclatante (« comment dire la poussée intérieure / du paysage, l’onde des mots dans sa lumière ? »). Faisant rouler en bouche les mots du poème comme source fraîche, il répond au dialogue qu’engage Sylvie Fabre G. (« mes yeux désirent / ta langue incarne » ; « tu réinventes un langage à la patience / de ce qui pointe en toi / de ce qui se ferme en moi » ), simplement heureux que la beauté ne prenne « pas congé, ni la question / qui greffe neige, vent et verdoiement ».



Deux pré # carré aux pétales turquoise, l’un sur fond de terre, l’autre de gris-bleu fumé, pour couvrir « de formes en phrases » les âmes-paysages que l’on porte en soi, pour entourer d’un « chant pur », l’esprit des lieux-langue qui nous habitent.



Deux pré # carré pour s’ouvrir à la belle voix de Sylvie Fabre G… en attendant le troisième, à paraître en juin 2013.
Lien : http://www.delitteris.com/au..
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Deux terres, un jardin

(critique couplée à celle de L'inflexion du vivant)



Deux plaquettes, deux chemins diffusant la même exacte clarté, la même voix roulant les lettres pour dire les mystères d’une âme qui s’élance vers l’autre (« au noir de toi / soleil de l’autre / qui donne lettre ») et d’un monde que l’on cherche à habiter dans son entièreté, dans ses contradictions, ses possibles et ses impossibles (« au pied des parois / le don du verbe à l’azur / descelle les distances / unit le perdu au perdu »).



Lire Sylvie Fabre G., c’est aller à la rencontre d’un visage-paysage cherchant à dire l’entre-deux des âmes et des pays qu’elles habitent. C’est se servir des mots comme de persiennes pour deviner, en clair-obscur, dans son appel vers l’autre, le « je » (« un pré en pente/ extraordinairement menacé »), ses limites, ses partages, sa quête d’unité, son questionnement qui, fouissant dans les mots, trouve dans le mystère son écho (« questions à l’intérieur de toi / tels défilés ou sanctuaires / vides. »).



Bercé par cette voix auscultant, douce insistante, les jardins verbaux qu’elle cultive, le lecteur traverse sa propre langue comme un paysage rêvé, où le versant enneigé d’une montagne est une « parole maladroite », le buisson une parole ébouriffée, les mots des murs fleuris, l’indicible une chute de pétales et de plumes ; où résonne « enchevêtré, embué / le nom » et où « la parole glisse dans le tracé d’une allée / au profond de la charmille / où s’extasient les oiseaux ».



Que ce poème-jardin semble parfois réel importe peu, tant le lecteur, captif de ce chant aux inflexions riches de flagrances, crie en écho son allégeance au vivant, dans toute sa sensualité vibrante, éclatante (« comment dire la poussée intérieure / du paysage, l’onde des mots dans sa lumière ? »). Faisant rouler en bouche les mots du poème comme source fraîche, il répond au dialogue qu’engage Sylvie Fabre G. (« mes yeux désirent / ta langue incarne » ; « tu réinventes un langage à la patience / de ce qui pointe en toi / de ce qui se ferme en moi » ), simplement heureux que la beauté ne prenne « pas congé, ni la question / qui greffe neige, vent et verdoiement ».



Deux pré # carré aux pétales turquoise, l’un sur fond de terre, l’autre de gris-bleu fumé, pour couvrir « de formes en phrases » les âmes-paysages que l’on porte en soi, pour entourer d’un « chant pur », l’esprit des lieux-langue qui nous habitent.



Deux pré # carré pour s’ouvrir à la belle voix de Sylvie Fabre G… en attendant le troisième, à paraître en juin 2013.
Lien : http://www.delitteris.com/au..
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