Traduire, Charles, c’est ouvrir la porte et circuler dans la langue de l’autre, dans ses mots, tâtonner, progresser, pas à pas, pour en découvrir le secret, le mystère, le rituel, la solennité et le sacré, infiniment abandonné au souffle, aux phrases, attentif au timbre de la voix, à sa musique, à ses variations. Être bousculé fait partie de l’avancée, se sentir impuissant également et, comme en amour, jamais on n’en ressort indemne.
Att : Sylvie Nicolas
Bonjour Sylvie ,
Pour te faire parvenir la photo de Fabiola que je t'ai mentionné
dans les commentaires antérieurement.
Je te donne mon adresse email pour pouvoir acheminer cette photo.
jmbechard@globetrotter.net
Nous allons continuer à lire tes livres .
Jean-marc Béchrard et Lise Rioux
« Si j’en avais eu la force, je t’aurais confié que l’écriture est en moi comme une enfant infirme, maintenue dans l’obscurité. Elle ne sait pas marcher. Ne sait pas parler. Elle est aveugle, sourde et muette. Sans destinée. Sans chemin. Elle craint ce qui l’entoure, se cambre, se rebelle, s’effondre. Elle est sauvage, animale, captive d’elle-même. Si elle était un personnage, elle serait Helen Keller. Elle avance à tâtons, se cogne partout, hurle, renverse ce qu’elle touche, fracasse ce qui l’entoure, se débat et retourne se blottir sous une table ou dans un coin.
Bouleversée par tout ce qui risquait de mourir ou de s’effacer, j’emmagasinais les fêlures et les sillons pour le pouvoir tout-puissant qu’ils possédaient d’irriguer la frangible territoire de vivre.
Entre ta peau et la sienne
l’indompté et ses océans
suffisamment sauvages
pour faire de vous des espèces
en voie d’apparition
Moi, je crois que le talent des uns est le chien d’aveugle qui guide les autres vers ce qui leur a échappé.
Des kilomètres de silence plus tard
tu dis que le monde tourne mal
que le mot amour
malgré l’usure de ses semelles de mot
que le mot
sans sa pelure de mot
comme un fruit hors saison
apprend à se taire
ta peau sur l’échiquier du réel