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Citation de rkhettaoui


Pendant des années, son amour pour Colette a refoulé en lui tout sentiment tendre ; aimer, c'était oublier et il ne le voulait pas. Peu à peu la douceur d'Armande, son tact, son culte pour celle qu'elle remplaçait avaient aplani bien des choses, elle était devenue le compagnon, l'amie dont on ne peut se passer, "l'habitude". Mais, ce soir, Pierre a conscience d'avoir accepté le dévouement de cette femme, le don total de sa vie, sans donner rien de lui-même. N 'a-t-il donc été qu'un égoïste qui, pour s'absoudre, se réfugie dans un passé douloureux ? Il a honte, honte que sa femme ait pu dire près de lui qu'elle était seule. Il proteste avec une émotion qui l'étonne lui-même. — Armande, vous oubliez qu'il y a longtemps, quatorze ans je crois, que j'ai adopté Michel, il est aussi un peu mon enfant. Je vous aiderai, nous tâcherons d'arranger sa vie pour qu'elle soit aussi douce que possible, et puis un autre nous aidera, un autre qui aime passionnément votre fils Rappelez-vous le visage de Jean lorsqu'il nous l'a ramené, la douleur en avait fait un fou, il était incapable de nous donner un renseignement, il ne savait que répéter : "Il ne va pas mourir, mon Michel, mon petit Michel. " Et, depuis trois semaines, il ne quitte guère la chambre de son ami, quand il se décide à venir prendre ses repas, il me fait pitié. J'essaie de le consoler, il ne me répond pas, on sent que sa pensée est restée près du malade. Jean saura lui parler, vous verrez avec quelle douceur ce brutal le préparera Vous ne l'en croyez pas capable. Vous vous rappelez l'enfant grossier et méchant qui cherchait toujours à vous faire de la peine, vous oubliez qu'il a pu changer et que ses défauts, qui vous ont fait souffrir, sont devenus des qualités. Vous pardonnerez, parce que Jean sera l'ami le meilleur, le plus tendre, le plus fidèle. Le visage d'Armande est devenu si pâle qu'il semble que le sang ne circule plus dans cette face de marbre, c'est presque une morte qui est assise sur la banquette de bois au haut dossier. Effrayé, Pierre la regarde, il ne comprend pas que cette femme vit une agonie et qu'elle a conscience de la vivre. Elle est la proie d'une révolte soudaine, elle est mère avant tout et ne peut supporter d'entendre l'éloge du meurtrier de son enfant. Elle va crier à cet homme qui depuis quatorze ans a accepté son dévouement et son amour, la vérité, une vérité qui, à son tour, va le faire souffrir. Pourquoi a-t-elle empêché Jean de parler, pourquoi lui a-t-elle ordonné de se taire avec une autorité que sa douleur lui donnait ? Pourquoi ? Elle aimait, elle se croyait assez forte pour pardonner. Mais non, elle s'est cru trop parfaite, la vengeance est là, quelques mots précis, et cet homme qui la regarde avec une pitié presque tendre va baisser la tête et, à son tour, savoir ce que c'est que de souffrir. Elle est prête à faire le mal, le tumulte de ses pensées la rend presque inconsciente, une seule idée est en elle : venger son fils. Pierre, qui ne comprend pas ce silence, tient toujours les mains glacées, il les serre et, doucement, avec une affection respectueuse, il les porte à ses lèvres, les embrassant pour les réchauffer. Il ne sait que faire, il sent que cette femme n'est que douleur, tous les mots qu'il pourrait dire lui feront encore du mal. Et voilà que ce geste affectueux, ces baisers apaisent la révolte qui grondait dans ce cœur maternel, la vengeance lui apparaît ce qu'elle est réellement : un sentiment affreux. Non, elle ne fera souffrir personne, elle ne veut pas que celui qu'elle a tant aimé, qu'elle aime encore ait honte devant elle. Elle lui rend son amour qu'elle avait cru pouvoir lui enlever.
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