Ils ont compris le danger des mots, de tous les mots qu'ils n'arrivent pas à domestiquer et à anesthésier. Car les mots, mis bout à bout, portent le doute, le changement. Il ne faut surtout pas que les mots entretiennent l'utopie d'une autre forme de vérité, de chemins insoupçonnés, d'un autre lieu de la pensée. On ne se défait pas facilement de l'utopie: c'est un acide qui creuse, dans l'opacité du dogme, des trous où se loge la controverse, où prolifèrent les questions. Ceux qui, défiant l'injonction, s'agrippent aux mots incontrôlés, doivent être mis hors d'état de nuire. Par le baillonnement, la liquidation si nécessaire. Car le monde appartient désormais aux thérapeutes de l'esprit, la ville retentit de leurs oraisons et de leurs pas cadencé.