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Citation de Aquilon62


Une partie de la maisonnée était là, dont ma mère qui d’ordinaire n’assistait qu’aux grandes cérémonies. Elle s’est placée derrière moi, tout près, pendant que je répandais la salsa mola sur l’autel. Je sentais qu’elle comptait rester près de moi, me tenir à l’œil, à portée de main, toute la journée, jusqu’à ce qu’elle ait obtenu ce qu’elle voulait. La chaleur, la pression de son corps si proche du mien étaient presque palpables, et je voulais leur échapper. Je me suis rapprochée de mon père qui plongeait une branche couverte de résine dans le feu de Vesta et s’en servait pour allumer les torches de l’autel en murmurant les paroles sacrées. Je ne sais pas si des gouttes de résine sont tombées, si une bourrasque a soufflé, si une main a bougé, mais soudain une étrangeté m’a entourée, un mouvement vacillant de lumière. Des voix criaient, hurlaient – « Lavinia, Lavinia ! Ses cheveux brûlent ! Elle brûle… » Portant mes mains à ma tête, j’ai senti une ondulation dans l’air. Des étincelles dansaient et sautaient tout autour de moi dans une odeur de fumée. En me retournant, j’ai distingué ma mère, à deux pas de moi, à travers un nuage jaunâtre. Les yeux fous, elle fixait un point au-dessus de ma tête. Je l’ai fuie à toutes jambes, j’ai traversé la foule, traversé l’atrium jusqu’à la cour. Des flammes et de la fumée jaune me poursuivaient, des étincelles jaillissaient de moi, des gens hurlaient, j’ai entendu mon père m’appeler. J’ai couru à la fontaine sous le laurier et me suis jetée à terre, le visage dans l’eau, les cheveux dans l’eau. [...]
Mon père, à genoux près de moi, m’a soulevée. « Lavinia, mon petit, mon enfant, ma fille, murmurait-il. Tu es blessée, tu es blessée ? Montre-moi. »
Puis, en regardant mon père, elle a déclaré, impérieuse : « Un présage, roi. Annonce le présage ! » [...]
« La guerre », a-t-il dit.
Tous se sont tus à sa voix.
« La guerre », a-t-il répété, puis, comme s’il avait du mal à prononcer les mots, ou comme si les mots s’extirpaient de sa gorge et sa bouche contre sa volonté : « Une destinée glorieuse et éclatante va couronner Lavinia. Mais à son peuple elle apporte la guerre. »
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