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Citation de GabySensei


Tout, l'univers tous entier était poésie: le travail, le galop d'un cheval, une maison, un oiseau, un rocher, l'amour: toute la vie entrait facilement dans les vers et s'y installait à son aise. Et il devait en être ainsi, car la poésie c'est le verbe.

Même maintenant, les strophes venaient facilement, l'une après l'autre, et bien qu'il ne notât plus depuis longtemps ses vers, qu'il en fut depuis longtemps incapable, les mots n'en venaient pas moins avec aisance, dans un rythme donné et à chaque fois extraordinaire: la rime était exploratrice, c'était l'instrument d'une quête aimantée des mots et des concepts. Chaque mot était un morceau d'univers, il répondait à la rime, et l'univers entier défilait avec la rapidité d'une machine électronique. Tout criait "prends-moi!", "non, plutôt moi!". Il n'était pas besoin de chercher. Il fallait simplement sélectionner. C'était comme s'il y avait là deux hommes à la fois: celui qui composait, qui avait lancé sa toupie à toute volée; et un autre qui choisissait et qui, de temps en temps, arrêtait la machine emballée. Et lorsqu'il vit qu'il était deux hommes à la fois, le poète compris qu'il était en train de composer de véritables poèmes. Et quelle importance qu'ils ne fussent pas notés? Transcrire, publier, tout cela n'était que vanité. Tout ce qui se crée de manière non désintéressée n'est pas le meilleur. Le meilleur est ce qui n'est pas noté, ce qui a été créé et qui a disparu, qui s'est dilué sans aucune trace, et seule cette joie de la création qu'il ressent et qu'on ne peut confondre avec rien prouve qu'un poème a été composé, que le merveilleux a été créé.

(Cherry-Brandy -sur Ossip Mandelstam- P28)
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