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Citation de Sachenka


Mais, pour chaque pin abattu et transformé en mât, il en est une centaine qui restent sur place, à jamais condamné à la triste et pénible existence de leur lieu d'origine. Ils y passent cinquante ou soixante ans, puis sont abattus et taillés pour en faire du bois de charpente ou de construction qui prendra place dans une maison, une grange ou une étable. Ils restent dans cet état humiliant pendant un siècle ou plus, se couvrent de mousse ou de moisissure, tachés de brun par le fumier, troués presque de part en part par les punaises. Ils pourrissent lentement mais sûrement, sans pouvoir bouger, dans les parois des étables et des écuries. Et, une fois que ce vieux bâtiment a fini se servir et qu'on l'abat, ils se retrouvent à l'état de bois de chauffage, condamnés à brûler et à mourir sous la marmotte d'un paysan faisant cuire des patates pour ses cochons et à partir en fumée, ou plutôt se décomposer dans la cheminée sous forme de suie.
Tel est le sort des arbres qui restent au pays.
Alors que les autres ont la chance de porter des voiles sur les mers. Ils aident les hommes à aller de continent en continent, dans leur recherche de nouvelles terres et de nouveaux foyers. Leurs graciles sommets portent les ailes des navires, ce sont les talons ailés des bateaux à voiles. Ils risquent certes d'êtres brisées avant terme ou de couler et de périr dans des naufrages, sur leurs vieux jours, mais ils ne sont pas réduits en cendres et en suie, sous une marmotte de patates, comme à terre. Et, lorsque le navire qui les porte sombre corps et biens, ils le suivent au fond de la mer et reposent fièrement au fond de la plus grande et de la plus profonde de toutes les tombes au monde.
Tel est le sort des arbres qui prennent la mer.
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