Vladimir Minac

Qu'est-ce dont cela, un livre écrit en 1964 qui n'est pas couvert par une critique sur Babelio ? Ostracisme ? Manque de Chevalerie ? Peur de l'imaginaire ? Mépris du théâtre ? Déliquescence de l'esprit d'entreprise ? Où sont les aventuriers dans cette arche perdue ?



Par les méandres tortueux du hasard et de la culture, le Producteur de bonheur m'est tombé entre les mains après avoir été acheté par mes parents à la fin d'une représentation de la troupe les baladins du miroir. Gloire soit rendue à ces valeureux saltimbanques qui me permettent de vous renvoyer l'image de Frantisek Ojbaba et de Lapidus son compagnon endoctriné et surtout de remettre en lumière Vladimir Minac happé par les ténèbres de l'oubli.



Vous aimez le cirque ? Alors, vous adorerez le Producteur de bonheur ! Frantisek Ojbaba en grand meneur de revue vous ouvrira la porte de son monde merveilleux qui n'a rien à envier à l'Imaginarium du docteur Parnassus. De faillites en désastres, il rebondit comme une balle magique et tente, avec force roublardise, de nouvelles entreprises plus déjantées les unes que les autres, trainant derrière lui un cortège pittoresque et pantois. C'est vrai qu'il y a du Don Quichotte dans sa volonté de transcender une réalité trop étroite pour son expression, mais chez Ojbaba tout idéal s'est évaporé au profit de la jouissance du moment présent. Si comparaison il y a, c'est plus dans le choix littéraire d'une grande fresque romanesque dont les rebondissements semblent s'enchainer au hasard et pouvoir continuer sans limites.



Je ne dérogerai pas à mon habitude de ne pas résumer l'histoire dans ma critique. Sachez qu'il y a autant de Gargantua et de Fifi brin d'acier, de Gigolo (JP Belmondo) et de l'aventure c'est l'aventure, de Gasbi le magnifique (di Caprio) et des contes des milles et une nuit que de Don Quichotte dans le Producteur de bonheur. Plutôt que vous gâcher le plaisir de la découverte je préfère vous offrir un petit pastiche et poser quelques citations, sinon l'auteur va regretter d'avoir été ramené à la lumière pour voir cela.



Arrivé à ce stade, le Producteur de bonheur tenaillé par une telle soif de savoir et de volupté, culbuta dans un même élan la bouteille de cognac et la sage jeune fille qu'il avait déjà dépouillée. Tout à son affaire, il ne pu s'empêcher de penser que sa néphrologue allait lui reprocher de mettre ses reins à si rude épreuve et vouloir lui prescrire de nouveaux médicaments. Cela aurait pu le chagriner car certes il aimait l'usage des cachets mais il était, de par sa propre pratique, des plus suspicieux à l'égard de ceux qui voulaient lui faire avaler la pilule. Déjà, une autre pensée plus positive titilla son imagination vagabonde : pourquoi n'avait-il pas invité le corps médical à se joindre à la fête ? Tant il avait le cœur à l'ouvrage et il avait le cœur grand !

Ojbaba, beau parleur, producteur de combines en tout genre, tour à tour voleur des recettes puis rattrapé et volé à son tour, finira par monter une compagnie de spectacle avec tous les protagonistes.



Ambiance des pays de l’est admirablement rendue par la corruption, les pots de vins, la prudence des fonctionnaires soumis au marxisme, l’omniprésence de l’alcool et … peut-être une absence de grandeur d’âme, de générosité chez les personnages. Entre les escroqueries, des 'cauchemars' racontés sur forme de scénettes déjantées à but philosophique, le producteur de bonheur jugé par la sainte inquisition !



Mais quelle belle écriture, quel régal, les tirades du producteur de bonheur, comme il arrive à convaincre et reconquérir ses arnaqués, et les touches humoristiques de Vladimir Minac sont excellentes !



Merci à Krout pour le conseil et oui, cela valait bien les 300km nécessaires à l'acquisition du bouquin ;-)