AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Osmanthe


Une chandelle dont la flamme s'étire brasille sur la table ; à côté, une bouteille de vin vide est couchée parmi les assiettes contenant les reliefs d'un repas. Au dossier d'une chaise est accrochée la robe couleur de jujube tout à l'heure portée par Jade. Au pied du lit, ses escarpins aux broderies verdoyantes côtoient en bon ordre les chaussons noirs de Qingsheng. Jade n'est vêtue que d'une chemisette. Sa chevelure est défaite ; une longue mèche noire est déroulée jusque sur sa poitrine. Elle est étendue sur le dos. Ses bras enserrent le cou de Qingsheng le torse nu, qui expose une échine blême et décharnée. Les bras longs et fins du garçon sont posés sur les épaules de Jade. Il appuie le front contre sa poitrine ; niche sa figure dans la chevelure épaisse de Jade. Au chevet du lit, un brasero dispense une bonne chaleur par des flammes sombres. Cette lueur rejaillit sur les murs qu'elle fond dans des teintes rougeâtres. La moustiquaire rougeoie elle aussi.
Jade est méconnaissable. Son visage est enluminé, le plein cintre des pommettes bombées brille et flamboie. Des cheveux en trame filandreuse poissent le front. Les yeux mi-clos fulgurent d'éclairs. Des paroles incertaines, des ahans s'échappent de ses lèvres entre-closes. Tout à coup, sa chevelure tout entière vole, est projetée vers l'avant, sa bouche rencontre l'épaule de Qingsheng qu'elle mord comme pour en détacher la chair ; ses mains agrippant ce dos se mettent à ressembler à des serres d'oiseau rapace. Les doigts pénètrent la chair.
Elle se redresse légèrement à présent, elle saisit la chevelure de Qingsheng et presse cette tête contre son sein. Elle fait comme si, coûte que coûte, la tête de Qingsheng devait entrer dans son coeur.
Les bras frêles du garçon sont pris de tremblement ; ils ne s'arrêtent pas de trembler, tels ceux d'une hase blessée à mort. Il gît, les membres secoués de convulsions, mou et débile, comme frappé de paralysie. De nouveau, Jade porte la bouche à son épaule, mais il se débat, se défait d'elle dans un ultime effort ; il roule sur le côté et s'immobilise à plat ventre au milieu de la couche. Il geint misérablement. La bouche de Jade est ensanglantée à un coin. Sur l'épaule gauche de Qingsheng naît une minuscule goutte rubis qui lentement forme un chemin, court, tombe et se multiplie sur son flanc livide.
Jade se prend à pleurer, est secouée de sanglots, puis sans transition, brutalement, devient douce, d'une douceur absolue, inconcevable. Avec précautions, elle se glisse vers lui, contre lui ; "Comment te sens-tu ? comment te sens-tu...dis-moi...", continue-t-elle de lui demander ; elle pose sa joue sur le dos de son amant et fait de ce geste une caresse qu'elle répète, montant et descendant le long de ce dos. Elle rencontre l'épaule meurtrie qu'elle baise puis entreprend de frotter doucement la blessure de la pointe du doigt, avec un zèle tendre, que grandit son appréhension d'ulcérer le mal. Il pleut sans cesse des perles brillantes qui, de ses yeux viennent se briser sur le dos du garçon.
Je demeure immobile longtemps, ahuri et pétrifié.
Commenter  J’apprécie          30





Ont apprécié cette citation (3)voir plus




{* *}