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Citation de Livretoi


* p393 Les subordonnés de Novak étaient habitués à le voir affublé de tous les déguisements imaginables. Mendiant ou proxénète, charretier ou domestique – et même en femme. Il allait presque de soi qu’un individu, appartenant aux catégories susmentionnées, et qui se présentait aussi naturellement au Département de maintien de la sécurité et de l’ordre publics sans être inquiété par les deux gardes en civil au portail, était très vraisemblablement Novak - un Coup d’œil à sa démarche boiteuse permettait de le confirmer. Mais pour quelque raison, il était inenvisageable qu’un Juif s’approchant de l’entrée pût être Novak. Sans même tenir compte de sa boiterie, les gardes lui hurlèrent : « Halte-là, le zyd ! », lui jetant même une pierre allégorique.
Cela était pour le moins singulier, mais Novak en fut offensé. La promptitude avec laquelle ils s’étaient affranchis de toute forme de civilité le laissa pantois, et de nouveau sa jambe le lança, comme si elle avait été atteinte par une pierre bien réelle. Après un instant, il regagna sa contenance :
« Adrian, Nestor, du calme. Ç’est moi, Novak. » Aussitôt dressés comme des piquets, les sentinelles le saluèrent avec déférence.
« Veuillez nous excuser, monsieur ! »
Le regardant se diriger vers l’entrée du bâtiment avec admiration, ils tressaient à voix basse des lauriers à leur vénérable commandant, qui ne reculait devant rien. Clochard ou souteneur, va encore, mais zyd ? Cet homme ne se ménageait décidément pas. Il se lançait dans chaque enquête comme à la découverte d’un nouveau monde, et traitait chaque prévenu comme s’il était son premier. Novak avait depuis longtemps atteint ce qui avait poussé Adrian et Nestor à s’engager dans le département, à savoir les délices du pouvoir, mais malgré tout, il continuait de crapahuter sur le terrain.
Lorsqu’il traversa le couloir, la rumeur avait déjà précédé Novak, et tous s’inclinèrent humblement sur son passage. Une fois dans son bureau, il retira sa redingote et eut soudain les épaules transies de froid. L’apostrophe « zyd », que lui avaient jetée les deux gardes, lui collait à la peau, comme s’ils avaient touché un point sensible. Il s’affaissa dans son fauteuil, s’empressa de déboucher une bouteille de slivovitz, et regarda la croix de bravoure qui trônait sur son bureau. Soudain lui vint l’envie de fermer les stores, de verrouiller sa porte ci et se retrancher du monde.
…/… Mais alors qu’il était dans son fauteuil, une profonde tristesse lui étreignit la gorge. Qui était-il exactement ? Un zyd repoussant. Un cafard.
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