Yanny Hureaux

Au mois de mai 1956, un sous-bois incliné vers une Meuse encore endormie, un ilot de bonheur ménagé dans une échancrure des Ardennes, le message amical d'un appel rouge et vert qui venait à vous comme une enveloppe décachetée composaient un paysage d'une splendeur, à la fois intime et grandiose, où les Sedanais voyaient enfin leur propre drapeau jaillir de ces draperies. Sedan, au détriment de Troyes, venait de remporter la Coupe de France de football. A sa façon, cet événement constituait une revanche courageuse pour une civilisation qui n'avait connu, au fil des siècles, que la capitulation de Napoléon III en 1870 oû la catastrophe envahissante des ponts rompus en 1914 et en 1940.
II reste des gens de plus ou moins bonne foi pour décréter que le football, évidence oblige, n'est qu'un "sport de manchots", l'image amuse; on s'en gargarise. Élle dépose une frange de mépris qui va à l'encontre de ce sport, plébiscité par la masse du pays.
"Sport de manchots"! De ce phénomène qui exlut les bras, un ami suggère une explication matérialiste des plus ingénieuses. Ce genre de divertissement physique apparaitrait avec l'industrialisation moderne. Ainsi, l'Angleterre, qui en est le berceau, a été également la première nation à s'équiper dans le sens de la manufacture ; et le développement parallèle du groupe usinier et de la balle ronde s'observe dans presque toutes les nations qui le pratiquent. On remarquera, en outre, que les banlieues ouvrières contiennent pratiquement les seules pépinières de joueurs. Voilà pour le fait historique : il traduit en effet une concomittance troublante...
(Antoine Blondin, préface)

Pour moi, la salle compte deux merveilles. La première, céleste, éternelle, c'est la décoration du plafond : bouquets de lilas, guirlande de lierre plus vrais que nature. L'autre merveille, hebdomadaire seulement, c'est la galette au sucre du dimanche : chaque samedi soir, grand-mère l'expose sur le guéridon.

Du Theux, raconte Delahaye, on escaladait la colline d 'aiglemont village aimable ou tapotaient gaiement quelques marteaux.... On s 'étendait sur un odorant tapis d ' origan et de serpolet, on passait des heures à contempler au bas la Meuse , coullant molle et douce, étincelante de clame joie.
D' autre jours , , ils vont dans dans les bois de la Havetiere vers Nouzonville.
c' est à l' entrée du bois fortemps près d ' évigny que Rimbaud lit le Bateau ivre à son ami Ernest.

Le 24 janvier 1944, nous admirons les forteresses américaines, de retour d'un raid sur l'Allemagne. De gigantesques chapelets de "grues blanches" brillent au soleil. La journée est belle, quasi printanière. Soudain nous entendons crépiter des mitrailleuses, éclater de petits obus. Un vacarme épouvantable se répercute dans les collines boisées. La curiosité l'emporte sur la crainte du danger.

Pour ceux qui ne sont plus,
Pour ceux qui vivent à présent,
Pour ceux qui viendront demain,
Ne fallait-il pas que ceci soit dit ?

Quittant le respectable mais d 'un esprit par trop rugueux Theux, on filait comme a coup d 'aile d hirondelle , tout le long de la route blanche, sur Saint Laurent, Romery... Ou bien, sans monter, l' on tournait a droite , on passait l' écluse, on était à Lumes, aux Ayvelles, on s 'arrêtais près de l étang ou les roseaux semaient les dernières aiguilles des derniers frimas.
Et puis, ayant traversé, farouches, la ville de Mohon, nous nous trouvions caressant les grosses têtes moussues des bon vieux saules qui accompagne en sa promenade madame la Vence, rivière adorable tellement de grâce onduleuse et menue, que nous ne pouvions que la suivre, en amoureux dociles, par tous ses prés clairs encadré de peuplier d 'Italie. Et puis nous foulions d 'un pied vainqueur la route de Boulzicourt.
Mais les chemins de traverse nous tiraient par la manche....

Pour un Ardennais, tant qu'il y a des arbres, il y a de l'espoir.

- Je ne peux pas, soupira petit Victor.
- Mange ! gueula Gaston. Tu ne vois pas ce qu'il nous a coûté !
Ils le mangèrent.