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Citation de claireogie


- Cette grande bâtisse qui me sert de forteresse, cette vaste maison toute blanche où je suis venu au monde et où, enfant, j'ai couru comme un fou, eh bien, c'est mon père qui l'a élevée de ses propres mains telle une stèle à la gloire des siens... Ce pays nous doit tout... Nous avons tracé des routes, posé des rails de chemin de fer jusqu'aux portes du Sahara, jeté des ponts par-dessus les cours d'eau, construit des villes plus belles les unes que les autres, et des villages de rêve au détour des maquis... nous avons fait d'une désolation millénaire un pays magnifique, prospère et ambitieux, et d'un misérable caillou un fabuleux jardin d'Eden... Et vous voulez nous faire croire que nous nous sommes tués à la tâche pour des prunes ?
(...)
- Il y a très longtemps, monsieur Sosa, bien avant vous et votre arrière-arrière-grand-père, un homme se tenait à l'endroit où vous êtes. Lorsqu'il levait les yeux sur cette plaine, il ne pouvait s'empêcher de s'identifier à elle. Il n'y avait pas de routes ni de rails, et les lentisques et les ronces ne le dérangeaient pas. Chaque rivière, morte ou vivante, chaque bout d'ombre, chaque caillou lui renvoyaient l'image de son humilité. Cet homme était confiant. Parce qu'il était libre. Il n'avait, sur lui, qu'une flûte pour rassurer ses chèvres et un gourdin pour dissuader les chacals. Quand il s'allongeait au pied de l'arbre que voici, il lui suffisait de fermer les yeux pour s'entendre vivre. Le bout de galette et la tranche d'oignon qu'il dégustait valaient mille festins. Il avait la chance de trouver l'aisance jusqu'à la frugalité. Il vivait au rythme des saisons, convaincu que c'est dans la simplicité des choses que résidait l'essence des quiétudes. C'est parce qu'il ne voulait de mal à personne qu'il se croyait à l'abri des agressions jusqu'au jour où, à l'horizon qu'il meublait de ses songes, il vit arriver le tourment. On lui confisqua sa flûte et son gourdin, ses terres et ses troupeaux, et tout ce qui lui mettait du baume à l'âme. Et aujourd'hui, on veut lui faire croire qu'il était dans les parages par hasard, et l'on s'étonne et s'insurge lorsqu'il réclame un soupçon d'égards... Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur. Cette terre ne vous appartient pas. Elle est le bien de ce berger d'autrefois dont le fantôme se tient juste à côté de vous et que vous refusez de voir. Puisque vous ne savez pas partager, prenez vos vergers et vos ponts, vos asphaltes et vos rails, vos villes et vos jardins, et restituez le reste à qui de droit.
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