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Citation de YvesDaniel


Il fit sauter le sceau de papier vert et sortit un cigare de la boîte. Théâtralement, il le fit rouler sous son nez.
– Sentez-moi ça, les copains ! C’est pas de la gnognotte !
Ça, c’est un vrai truc de grands. Cent fois mieux que la meilleure des Chupa Chups !
Il me le fit passer et, un à un, religieusement nous humâmes le parfum corsé du cigare. Le vrai cigare d’un vrai révolutionnaire, roulé sur les cuisses d’une vraie femme, ça ne se voit pas tous les jours, quand même !
– Il y en a cinq dans la boîte. Un pour chacun de nous. Le dernier, je le garde pour plus tard. Pour une super grande occase ! Je le fumerai avec ma première fille ! Ou mieux encore : sur la tombe de mon père !
Collardo et Lombardi éclatèrent de rire, sans réaliser que Gascogne pensait vraiment ce qu’il disait.
– Eh bien, moi, j’ai apporté ça ! dit Lombardi en brandissant son sac en papier. Avec des cigares, il faut de l’alcool, non ?
J’ai piqué cette bouteille dans la cave de mon père. C’est de la grappa. « Le nectar des dieux ! » comme il dit. Les dieux romains, c’est mieux que les révolutionnaires, non ?
En guise de dieux, l’étiquette montrait surtout un gros type en train de se bâfrer une grappe de raisins, entouré de nymphettes.
– Et comment ! s’exclama Collardo. De l’alcool ! C’est géant !
– Tu as pensé à prendre un tire-bouchon ? demandai-je.
Lombardi se tapa le front du plat de la main.
– Merde, j’ai complètement oublié ! Comment on va faire ?
– Vous inquiétez pas. Je péterai le goulot, nous rassura Gascogne. J’ai vu mon père faire ça une fois, avec une bouteille de mousseux. Ça marche sûrement avec « le nectar des dieux » ! Bon et toi, Collardo, qu’est-ce que t’as apporté ?
Notre ami rougit jusqu’aux oreilles, tandis que nos visages convergeaient vers lui.
– Moi ? Oh, rien d’intéressant, les gars.
On voyait bien qu’il ne demandait qu’à se faire prier.
– Allez accouche, Groscollas ! dit Gascogne.
– Allez ! Allez !
– Allez !
Nous le chahutâmes deux bonnes minutes avant qu’il extirpe enfin de son pantalon ce qu’il y cachait.
– Des revues de femmes à poil !
L’exclamation avait été lancée à l’unisson.
– Et pas que de femmes ! s’enorgueillit notre copain, rouge comme une pivoine. Y’a des hommes avec et ils font ça pour de vrai ! J’ai piqué les bouquins chez mon oncle ! Il en a plein chez lui. Même que ma mère dit que c’est un cochon et qu’il sera damné ! J’avais une de ces frousses que mes parents les découvrent ! Ça fait trois jours que je les cache dans mon froc !
– Ça doit puer, alors ! rigola Lombardi.
Nous n’en plongeâmes pas moins avec avidité dans les revues salaces.
Je ne garde qu’un souvenir vague des photos que nous vîmes alors. Je me rappelle de corps enchevêtrés, de seins et de fesses pétris par des mains puissantes. Je me souviens d’une fille noire avec une invraisemblable coupe afro faisant l’amour avec un Blanc. Cette négresse splendide, aux seins lourds, à la taille étroite et aux fesses rebondies, est restée, aujourd’hui encore, mon idéal féminin. Sans doute ne faut-il pas aller chercher plus loin l’origine de mon tropisme pour les femmes exotiques.
– Des femmes, de l’alcool et des cigares ! Pas mal, les mecs !
lança Gascogne. Pas mal du tout ! Et toi Piozou, qu’est-ce que tu as ?
Tous leurs yeux étaient tournés vers moi. Sans rien avoir prémédité – comment l’aurais-je pu d’ailleurs ? – je savais déjà que ma contribution constituerait le couronnement logique de toutes les autres. Qu’elle clôturerait en apothéose notre petite cérémonie.
Je plongeai ma main dans la poche de mon blouson et en extirpai l’objet placé au panthéon de tous les petits mecs en puissance : une arme à feu !
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