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Citation de AuroraeLibri


Les deux frères sont d’ailleurs très différents l’un de l’autre.

L’aîné est un contemplatif. Tout le jour, il s’en va de l’un à l’autre de ses sept points de vue ; il remarque les plus légers changements que les caprices de la lumière apportent au paysage, et il en jouit. Rien ne lui semble monotone dans cette contrée dont il connaît les moindres détails et qu’il observe toujours des mêmes lieux. (...)

Le cadet, au contraire, est un méditatif. Pendant que son frère laisse sa vie se confondre dans la vie de la nature, et trouve le bonheur en cette délicieuse identification, il rentre en lui-même et réfléchit. Et comme, étant seul, il ne peut que tourner et retourner ses idées, les développer et les amplifier sans qu’aucun fluide étranger les féconde, certains problèmes métaphysiques ou moraux prennent pour lui une réalité, une consistance inouïes. On le voit frissonner de sa propre pensée qui, quelque large que soit d’ailleurs son cercle, finit toujours par revenir à son point de départ, après s’être heurtée et meurtrie aux barrières de l’inconnu. « Qu’est-ce que l’homme fait sur la terre ? » se demande-t-il par exemple. Et, au lieu de hausser les épaules, comme le scepticisme vulgaire ne manque jamais de le faire devant une question aussi insoluble qu’inutile, il se la répète désespérément, la mûrit, la pèse, se laisse entraîner par elle à travers le cycle d’hypothèses qu’elle soulève, écoute les réponses inintelligibles que lui murmurent de confuses voix intérieures, se morfond à les tirer au clair, – puis se retrouve devant son douloureux point d’interrogation. (...) Je n’ai jamais rencontré de si tragique incertitude, de pessimisme si universel et si sincère.

– Vous êtes un bon schopenhauerien, lui dis-je après que nous eûmes longtemps causé.

Chapitre XXXVII
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