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Citation de sheumas


Je m’appelle Judith. Je travaille depuis quelques années dans le milieu psychiatrique. Mes supérieurs me reconnaissent des qualités humaines. J’ai de la patience, un certain sens de l’abnégation et, je le crois, l’amour des autres, si cela n’est pas un trop grand mot. Des fois, il faut l’avouer, j’ai du mal à supporter les patients qui tournent et hurlent et s’égarent autour de moi. Oserais-je le dire à mes supérieurs ou à qui veut l’entendre, ils me mettent les nerfs en pelote et la tête à l’envers.
Quand je quitte l’hôpital, ils continuent de m’habiter. S’agitent, font des simagrées, gesticulent dans tous les sens, comme des ombres chinoises sur l’écran de mon cerveau fatigué. Ils prennent toute la place, cognent ma tête, tirent mes cheveux, griffent ma chair, abîment mes serrures intérieures, habitent chacune de mes cellules, poussent des cris, des hurlements fauves, délogent les dernières pensées équilibrées.

Au fil des mois, je me suis pourtant attachée à un patient dont le visage et les attitudes m’occupent l’esprit. Il s’appelle Sergio et je ressens un étrange sentiment pour lui. Les copines me taquinent, affirment qu’il est mon chouchou et que j’en pince pour lui. Je leur dis que ce n’est pas vrai, qu’elles délirent. Mais il me faut bien reconnaître qu’il m’attire, me fascine et que je l’héberge au fond de moi, dans une cellule à part, cérébrale, sensible, et fragile. Aiguisée par la curiosité et par de troubles pulsions, je me surprends à l’épier pendant la journée et à repenser à lui le soir.
L’autre nuit, j’en ai rêvé.
Sergio ne dort pratiquement jamais. Il tombe à l’envers sur son lit et gigote comme un animal pris au piège. Se livre à d’étranges rituels dans le parc de la clinique. Toujours silencieux, il ne dérange personne. Son visage est dans la tourmente. Il pratique l’autodérision et dit de lui qu’il a une tronche de boxeur en fin de douzième round et des oreilles en feuilles de chou. Consigne ses états d’âme dans un petit carnet qu’il cache obstinément. C’est un grand escogriffe très sec et d’allure fuyante. Il écrit recroquevillé, tard le soir, et souvent jusqu’à l’aube. Parfois, il se redresse et se déplie avec des souplesses de contorsionniste.
L’écriture est nerveuse, saccadée. La plume gratte et ça lui fait alternativement ouvrir et fermer les yeux comme s’il était en train de rêver. Personne n’a encore rien lu de ce qu’il écrit, personne, pas même moi… Mais je ne désespère pas...
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