AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de lanard


lanard
26 septembre 2020
L'idée de nation dans le contexte indien

Le concept de nation s'est développé dans l'Europe du XIXe siècle sous l'influence de la Révolution française qui a substitué la légitimité de la nation souveraine à celle de la royauté de droit divin. Il s'y est transformé dans le contexte de la remise en cause des grands empires dynastiques (Habsbourg, Romanov, Ottomans), et de la réalisation des unités italienne et allemande par agrégation de petits États. Pour les uns (notamment les romantiques allemands), la nation était une réalité primordiale, pour les autres (notamment les penseurs et activistes italiens), c'était la produit de l'histoire, d'une action mobilisatrice. Ces débats qui mobilisaient les intellectuels européens ont été suivis de près par leurs homologues indiens, qui se sont passionnés en particulier pour les écrits de Mazzini. Mais leur expérience commune de la domination britannique les conduisait aussi à observer avec attention les manifestations du nationalisme irlandais. L'"invention" de la nation indienne est l’œuvre d'Indiens dont le cheminement et les expériences de vie ont été divers, mais qui se sont retrouvés autour de la conviction que leur pays pouvait réaliser son unité et se libérer de la domination étrangère, et que ces deux éléments étaient liés. Les uns ont adopté une posture intellectuelle, cherchant dans une grandeur passée des raisons d'espérer dans une proche renaissance. D'autres ont entrepris d'expérimenter dans le présent des formes nouvelles de mobilisation, de forger la nation par l'action. Tous sont habités par la préoccupation de l'unité : c'est dire que la Partition de 1947 entre l'Union Indienne et le Pakistan sera vécue comme un échec.
Au XIXe siècle, les puissances coloniales européennes refusent aux peuples qu'elles dominent le statut de nations. A l'instar de Metternich qui proclamait au début du siècle que l'Italie était une expression purement géographique, l'influent colonial anglais John Strachev, chargé d'initier aux réalités de l'Inde les futures hauts fonctionnaires de l'Indian Civil Service, écrit dans un ouvrage intitulé sobrement India, publié l'année même de la fondation du Congrès National indien, en 1885 : "Il n'y a pas et il n'y a jamais eu d'Inde [...] pas de nation, pas de peuple de l'Inde digne de ce nom." Ce propos fait écho à celui déjà cité de James Mill qui affirmait en 1817 que l'Inde n'avait pas d'histoire. Se plaçant dans une perspective "primordialiste", il exprime exprime haut et fort une certitude partagée par l'ensemble des britanniques, convaincus que la cohésion de l'Inde ne peut résulter que d'une contrainte extérieure - en l’occurrence, celle du Raj britannique. Face à cet arrogant déni, les intellectuels indiens ont déployé différents arguments. La réponse traditionaliste a consisté à invoquer une culture indienne unitaire et intemporelle fondée sur l'hindouisme, la réponse gandhienne à élaborer une unité morale fondée sur une approche exclusive de la diversité des cultures, la réponse nehruvienne à se tourner vers l'avenir en construisant l'idée nationale sur le dépassement des particularismes.
Commenter  J’apprécie          01









{* *}