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Le testament inattendu

Dans sa propriété de Renval, le comte Aymeric d'Autremont livre sa dernière bataille. Mais celle-ci, il ne la gagnera pas. Le cancer est un ennemi plus redoutable que les nazis qu'il a combattus autrefois.

Il meurt en solitaire. Ses deux frères ont disparu avant lui. Seul Léopold a eu une descendance. Mais de celle-ci, Aymeric ne doit rien attendre. Pour Patrick et Benoît, le vieil original est un mouton noir. Mais, si l'homme leur déplaît, son argent, en revanche, leur ferait bien plaisir, d'autant que leurs affaires ne sont guère brillantes.

L'ouverture du testament leur réserve cependant une surprise de taille.

Lorsque j'ai découvert « Le Cahier orange », premier roman de Bernard Caprasse, ce fut pour moi un vrai coup de cœur. Je m'étais tellement attachée aux personnages que je m'efforçais de ralentir ma lecture pour ne pas avoir à les quitter.

Dans son deuxième ouvrage (« La Dérive des sentiments »), Bernard Caprasse est passé à tout autre chose, mais je me suis laissé emporter par cette histoire avec grand plaisir. « Voilà un auteur que je suivrai », ai-je pensé.

J'ai pu le rencontrer lors d'un café littéraire qui a prouvé au public présent qu'il n'était pas moins passionnant à l'oral qu'à l'écrit. Tout le monde était sous le charme. Et quel charisme, quelle gentillesse. Il réservait à tout un chacun un mot aimable, sans nous prendre de haut malgré son aura de prestige (entre autres, il a occupé pendant vingt ans le poste de gouverneur de la Province de Luxembourg.)

J'étais donc impatiente de découvrir ce nouveau volume qu'il a eu l'amabilité de m'envoyer dédicacé.

Dans un avant-propos, l'auteur explique qu'il a repris certains personnages de sa première œuvre. Dans celle-ci, on suivait les heurs et malheurs de la vie d'Olga et de son fils, Anton Scarzini. Ce dernier découvrira par hasard, après la disparition de sa mère chérie, une sorte de journal intime dans lequel elle a consigné les événements marquants de son existence, révélant à Anton des secrets qu'il n'aurait jamais soupçonnés.

Ici, le récit se focalise sur la famille d'Autremont. Le comte, Aymeric, nous le connaissons déjà. Dans l'ombre, il œuvrait pour le bien et la justice et il a joué un rôle capital dans la vie d'Anton et de sa mère.

Hélas, les autres membres de son entourage sont loin d'avoir sa bonté et sa générosité.

Ses neveux le tenaient en piètre estime. Ils ont rompu tout contact avec lui. Pourtant, ils se souviennent tout à coup de son existence au moment où il la perd. Bien entendu, ce qui attire ces rapaces, c'est l'odeur de l'argent. Patrick et Benoît lorgnent sur cette immense fortune, dans laquelle ils s'imaginent déjà planter leurs serres avides. Pas de chance pour eux. Ils vont bien vite déchanter. « Le défunt, en une plaisante leçon, déplumait des vautours (…) ajoutant à leur déconvenue une surprise déprimante. »

L'ouverture de ce « testament inattendu » est, pour le lecteur, un moment hautement jouissif et du plus haut comique.

Il s'avère que le seul d'Autremont fréquentable, c'est Juliette, la petite cadette, que ses frères méprisent et relèguent loin de leur univers bien pensant en raison de ses idées trop sociales à leur goût.

L'aîné, Patrick, a conclu un mariage de raison avec une femme austère et stricte, dont le nom aristocratique d'Ermesinde fleure bon la naphtaline. Que peuvent-ils avoir en commun ? Pas de discussions culturelles passionnantes, c'est certain. Benoît, le beau-frère, lance : « "La terre gelée prépare l'arrivée du printemps ". Beau comme du Victor Hugo, commenta Ermesinde, dévoilant l'horizon ultime de sa culture. »

Bien sûr, ces hyènes n'entendent pas se laisser dépouiller.

Je me souviens de mon père qui, évoquant de sordides querelles d'héritage qui déchiraient des nobliaux de notre village, nous faisait promettre, à nous, les sœurs, de ne jamais nous disputer pour de l'argent.

Heureusement, il n'y a pas que ces vilains cocos. Bernard Caprasse met en lumière une nouvelle femme d'exception : Olena Kovalenko. Il nous entraîne dans une évocation effrayante du goulag de la Kolyma, au fin fond de la Sibérie, qui n'est pas sans rappeler Dostoïevski ou Soljenitsyne.

Lorsqu'il décrit la manière de chanter de Myscha Azarov, cela m'a fait penser à Vladimir Vissotski, dont j'aimais beaucoup la voix éraillée, et qui, à mon avis, lui a servi de modèle.

L'écriture de Bernard Caprasse, élégante et classique, repose agréablement de tant de jeunes auteurs qui se complaisent dans un langage « moderne » que je n'aime pas et qui me semble vulgaire.

Dans ce « Testament inattendu », on trouve nombre de belles descriptions, beaucoup d'ironie et de piques assassines, mais aussi de la poésie et même un clin d’œil à la grande Édith Piaf, lorsque les amoureux se rendent au marché et découvrent que « s'attarder devant une échoppe, c'est accepter le risque de perdre qui nous accompagne emporté par la foule ondoyante au gré des pavés. »

Je pourrais encore dire tellement de choses, mais je vais m'arrêter ici et vous laisser vous plonger dans cette magnifique histoire que je vous conseille vivement.
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