AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Biblioroz


Les premiers mots aveuglent par ce soleil intense qu'ils convient sur cette route. La luminosité excessive agresse les yeux et la chaleur sèche s'étend sur tout le paysage assoiffé de ce coin du Nouveau-Mexique. Billy, douze ans, roule avec son grand-père et commence à nous conter son été, le troisième qu'il vient passer dans le ranch coincé entre une immense étendue désertique et plusieurs massifs montagneux qui s'étirent de tous côtés.
Le long de la route, des cadavres de lièvres au-dessus desquels les vautours exercent leurs vols concentriques. Un roadrunner surgit d'un buisson rabougri ; c'est le coucou du désert américain, « sacrément buté », à l'image du grand-père de Billy. L'histoire nous le démontrera par la suite car de l'autre côté de la barrière délimitant le ranch, les terres du gouvernement fédéral ont besoin d'être plus vastes pour y effectuer des tirs de missiles.

En même temps que Billy, je suis arrivée au ranch. Sa bâtisse, fraîche et sombre, laissait flotter l'odeur familière des haricots qui mijotent et des oeufs et de la viande en train de frire avec leurs pommes-de-terre. La sauce chili qui va les accompagner met le feu dans la gorge du gamin mais, trop heureux, il se ressert. Aux pieds, ses premières véritables bottes aux talons biseautés sont rutilantes et, calé sur sa tête, son chapeau de paille tout neuf parfait sa silhouette de cow-boy pour garder la tête au frais.
Le lendemain matin, à la lueur de la lampe à pétrole, je me suis installée avec eux pour dévorer un petit déjeuner roboratif afin d'emmagasiner suffisamment d'énergie pour partir vers la montagne chercher un cheval déserteur. Il y avait Billy, Grand-père et Lee Mackie, un véritable ami et un homme que Billy aimerait être plus tard.

Ce texte est d'une simplicité et d'une beauté ineffables. Donnant la priorité aux dialogues, l'auteur n'en laisse pas moins ressortir tout son amour pour ce paysage âpre et desséché en le partageant avec ce trio de cow-boys que j'ai accompagné avec passion et affection.
La sécheresse y est hautement perceptible. Elle est omniprésente en roulant ou chevauchant sur un lac ou une rivière qui n'offre plus qu'un lit de sable, soulevant la poussière au moindre passage. Les ondes de lumière et de chaleur font osciller les montagnes.
L'étendue sèche est parsemée de pierres et de cactus, de quelques arbustes résistants au désert, de yuccas aux troncs immenses. Les genévriers et pins annoncent ensuite les montagnes. Les engoulevents font des piqués, les criquets émettent leurs grincements de concert avec ceux du rocking-chair.
Derrière les volutes de son cigare, j'ai vu et compris la rage et la détermination du grand-père. Pour l'apprécier, je pense qu'il faut partager sa vision de la vie, être en accord avec ses tentatives de préservation du peu de végétation restante sur ces terres et ne pas condamner son rejet du progrès qu'il juge hostile. Il a su transmettre à son petit-fils l'ivresse procuré par ces lieux désertiques mais magnétiques. Billy nous cite toutes les merveilles dont il est témoin jusqu'à nous faire entendre palpiter son coeur lorsque, dans le crépuscule tombant sur la montagne, les yeux jaunes d'un puma percent la pénombre et l'observent. le gamin est sacrément fier d'être en selle et ses larmes de joie qui s'écoulent en filant sur le désert cuisant en est la preuve. Mais cet été lui montrera un autre aspect de la vie, celui de l'appartenance de la terre qui n'est jamais acquis définitivement.

À qui finalement faudrait-il faire entendre la voix de la soi-disant raison ? L'auteur semble bien ironiser tragiquement sur les droits et devoirs de citoyens américains qui sont brandis au nom d'une défense nationale nécessaire ! Que représente alors un vieux fou qui désire continuer à vivre puis mourir ensuite sur la terre où il a toujours vécu ?
La détermination du vieil homme à refuser cette expropriation est viscéralement et courageusement partagée par le petit Billy. Dans cette fragile immensité malmenée par les sécheresses consécutives et au-delà du combat pour garder ce ranch, c'est la profondeur et la beauté des relations unissant ces trois cow-boys qui m'ont profondément émue.
Commenter  J’apprécie          390



Ont apprécié cette critique (37)voir plus




{* *}