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Critique de LaGeekosophe


Les livres originaux existent-ils encore ? Les gros lecteurs peuvent se poser la question, car au fil des romans, les ficelles maintes fois exploitées finissent par se voir et par lasser. Alors lorsque j'ai découvert le synopsis totalement hors normes de "Les jardins statuaires" ainsi que sa publication bourrée de péripéties (manuscrit perdu, incendie...), je me suis dit qu'on tenait très probablement une pépite !

Voilà une lecture qui sort tellement des cadres qu'il est difficile de savoir par où commencer. Déjà, le livre fait partie de ces lectures difficilement catégorisables tant elle croise et mélange les genres. On retrouve quelques points communs avec des romans comme "Le Rivage des Syrtes" de Julien Gracq, car l'action ne se passe ni dans lieu, ni à une époque spécifique. C'est un peu comme un conte brumeux, une parenthèse dans la réalité.

Et comme dans beaucoup de contes, le lecteur fait face à une univers à la fois poétique et inquiétant. le narrateur est un voyageur sans attache qui fait halte dans une contrée lointaine et méconnue. Ce pays est divisée en vaste domaines n'ayant que peu de liens les uns avec les autres. L'activité principale des habitants est de faire grandir et s'occuper de statues démesurées qui poussent hors du sol. Jacques Abeille construit autour de ce bien étrange phénomène une société aux rites et traditions abscons pour l'oeil extérieur, mais qui apporte de la cohérence à l'univers créé.

Tout comme le narrateur, nous sommes dans un premier temps séduits par cette société à première vue utopique qui repose sur la cohésion du groupe et des valeurs communautaires fortes. Mais très vite, cet aspect utopique se délite face à une réalité plus sombre. En effet, les domaines observent des règles strictes promptes à isoler et exclure certaines catégories de la population, quitte à prohiber violemment toute forme de rébellion et de protestation.

L'absence des femmes apparaît rapidement comme problématique. Elles sont inexistantes, cachées aux yeux des hommes dans de vastes jardins labyrinthique où elles sont prisonnières. Les activités des hommes leur sont interdites, leur destin est tout tracé dès la naissance : mariée ou prostituée. Quant aux homosexuels, ils sont considérés comme des aberrations dont on ose à peine parler.

Le tout est porté par une écriture limpide, l'auteur entrecoupe son récit de moments très poétiques ou de réflexions philosophiques menées par le narrateur. Jacques Abeille n'hésite pas à utiliser des tournures presque synesthésiques pour brosser le portrait de sa contrée, mélangeant les sens dans l'association des formules.

Le point faible peut se trouver dans une certaines froideur dans l'écriture, ce qui empêche une totale empathie envers les personnages, car ces derniers m'ont paru à certaines reprises distants. Autrement, il n'y a pas vraiment d'éléments rédhibitoires. Mais bien sûr, la singularité de l'oeuvre fait que le livre ne plaira pas à tout le monde ;)

En somme, le livre est parfait si vous cherchez une lecture hors des sentiers battus. On entre même en territoire sauvage ! Avec son univers poétique, Jacques Abeille nous offre une expérience envoûtante unique. Mais loin d'être une simple curiosité littéraire, Les jardins statuaires nous met face à des problématiques sociales poussées : place des femmes, légitimité des normes, fin d'une société étouffée par ses rites et ses traditions, discrimination... A lire donc ? Totalement !
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