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Critique de Andromeda06


« Quand j'ai proposé à mes grands-tantes de me parler de leur jeunesse et de cette période tragique de la guerre pour en faire une bande dessinée, elles m'ont répondu que leur histoire n'avait que peu d'intérêt. Après tout, elles avaient survécu. Il me semblait au contraire indispensable de raviver leurs souvenirs enfouis et partager leurs récits, en ce moment charnière où les témoignages se font de plus en plus rares. »

Ainsi débute le petit mot glissé à l'intérieur de l'ouvrage, dédié aux lecteurs (en plus d'un marque-page à l'effigie du livre, merci !). Et c'est vrai, voilà presque 80 ans que l'armistice a été signé. Les témoins et victimes encore vivants de nos jours sont de moins en moins nombreux, d'où l'importance d'en parler, pour ne jamais oublier...

Les grands-tantes de Marion Achard, ce sont Lisou et Mylaine. le second tome, à paraître, racontera le point de vue de Mylaine, arrêtée et déportée en camp de concentration. le premier, paru il y a peu, est centré sur le point de vue de Lisou, alors âgée de 6 ans au début de la guerre (le même âge que ma grand-mère à l'époque, quasiment le même âge que mon fils aujourd'hui...). Originaires de Lorraine, Lisou et sa famille se sont d'abord réfugiés à Grenoble, en zone occupée par les Italiens, alors peu actifs en ce qui concerne la "chasse aux Juifs". En 1943, les Allemands prennent la relève, et la famille Veil est forcée de se cacher plus assidûment. On leur prête un chalet isolé situé à une vingtaine de kilomètres de Grenoble. Mais ils sont découverts... Mylaine est arrêtée, Lisou doit être séparée pour un temps de ses parents. Ils doivent se retrouver pour passer la frontière suisse, là où vivent déjà l'autre soeur et le frère de Lisou (ce dernier n'étant pas moins le futur mari de Simone Jacob, ou Simone Veil de son nom d'épouse).

Heureusement, il n'y avait pas que des enflures à l'époque. Certains réseaux de Résistance n'ont pas chômé durant cette période, au péril de leur vie, et c'est grâce à eux que Lisou et ses parents ont pu s'en sortir indemnes. Entre ceux qui les ont cachés, qui leur ont fourni de faux papiers et le nécessaire pour survivre, et qui les ont aidés à quitter le territoire français, Lisou et sa famille ont fait de belles rencontres, malgré l'horreur et la peur. Pendant que Mylaine était déportée on ne sait où, Lisou et les siens ont été pris en charge par des êtres humains vraiment humains.

Et c'est du point de vue d'une petite fille, à qui l'on essaie de cacher le maximum pour mieux la préserver, qu'une partie de l'histoire de la famille Veil nous est racontée. Ainsi, cette jolie BD peut être accessible à de jeunes lecteurs. Les horreurs ne sont pas cachées, mais pas représentées non plus, subtilement et indirectement glissées entre les événements vécus par Lisou. C'est ingénieusement construit : c'est dur et beau tout à la fois.

Lisou est une petite fille qui comprend bien des choses malgré tout ce qu'on lui tait. À cet âge-là, elle entend les conversations des grands, sans y être invitée, sans même qu'ils se doutent qu'elle les écoute, elle peut d'elle-même en tirer ses propres conclusions quant à ce qu'il se passe autour d'elle et de sa situation d'enfant juif. La peur s'immisce malgré toutes les précautions prises à son encontre. Elle est consciente de la gravité de la situation et sait d'instinct quand elle doit se méfier, se cacher ou fuir... Elle a grandi d'un coup, une partie de son innocence d'enfant s'est envolée avec les premières persécutions des Juifs.

C'est une histoire poignante et touchante, terrible et belle tout à la fois, car pleine d'humanité et de belles rencontres au milieu des horreurs de la guerre. Les dessins à l'aquarelle (?), sobrement colorés, parfois pleins de vie, parfois plus réservés, se marient parfaitement avec le scénario.

C'est une jolie BD, douce et âpre, aussi utile et efficace qu'elle est agréable. Les portraits et photos réelles en fin d'ouvrage des différents "acteurs" de cette histoire (vraie) est un complément bienvenu.

Il me tarde désormais de connaître l'histoire de Mylaine, qui s'est sacrifiée pour laisser une chance à sa petite soeur et à ses parents d'échapper aux nazis, revenue miraculeusement des camps de concentration.

Je remercie Alexandrine de Babelio et les éditions Delcourt pour m'avoir permis cette jolie découverte dans le cadre d'une masse critique privilégiée.
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