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Critique de Marsel


Premiers essais réussis pour ces jeunes scénariste et dessinatrice. La couverture chaleureuse attire tout de suite, avec sa perspective surprenante, l'attention aux détails qu'elle traduit, et par son renvoi à un moment de plaisir en apparence insignifiant mais où peut se déceler peut-être, pour qui s'y veut bien attentif, le secret du bonheur, sur lequel va se pencher cette BD.

La centaine de pages intérieures se déploie dans de beaux noirs et blancs, un crayonné apparent, pleins de vie. La dessinatrice s'avère particulièrement capable de faire des allers-retours entre des plans larges et des gros plans, corollaires des réflexions des personnages entre des niveaux micro et macroscopiques. Ce qui marque le plus, c'est l'attention portée aux corps, aux expressions. Ce n'est pas seulement ces dernières qui traduisent leurs états d'esprit, mais aussi leurs postures très étudiées. Pour aboutir à des personnages si naturellement expressifs, on ne peut que commencer à imaginer le travail d'observation qu'ils supposent. Les gros plans sur des parties du corps, les mains souvent, renvoient à ceux sur des objets ; tout fait intensément signe, tout incite le lecteur à développer une nouvelle éthique pour son regard.

La dessinatrice semble s'être fait plaisir en se lançant des défis sympathiques : représenter quelqu'un se mettant une lentille, traduire le mouvement et les diverses pressions de deux mains qui se frottent sous l'eau (on entend les schmouks et les shpouiks), etc. Beaucoup de plans sont bien vus, notamment en plongée. Tout est représenté avec relief, tout a été soigneusement étudié, jusqu'au cabinet d'un dentiste, aux locaux d'une maternité… Les planches anatomiques de mâchoire de la page 33 semblent un clin d'oeil aux études attentives auxquelles s'est soumise la dessinatrice.

À noter le moment de bravoure de la case géante, onirique, de la page 53, impliquant un lustre particulièrement violent. Oui, à côté de la réflexion sur le bonheur, on note de nombreux moments d'humour, des dialogues et des formules bien vus ; il est notamment question de géopolitique du houmous et d'un révolutionnaire dont la prise de Bastille consiste en une translation de machine à café ; et l'on apprécie le ton franc – c'est-à-dire qu'ici on parle de fellation ou de vagin qui saigne sans pudeur. Et si tout à la fois vous voulez comprendre ce qu'est la théologie sarcastique, qui permet de mieux apercevoir la drôlerie du monde, c'est aussi la BD qu'il vous faut. Et ça se termine sur un clin d'oeil final plein de miel, très actuel, sur les pesticides, ces autres petits détails inaperçus parmi d'autres, capables d'infléchir nos humeurs et nos parcours.

Bref, une fois la BD refermée, on a envie d'aborder la vie avec une attention et un optimisme redoublés, et de remercier ces deux jeunes gens aux regards décalés.
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