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Critique de 5Arabella


Il s'agit du deuxième volume de la trilogie dans laquelle le personnage principal est Letitia Branea ou plutôt maintenant Letitia Arcan, car elle a épousé Petru. Mais leur mariage ne se porte pas bien et Letitia a une liaison au long cours avec Sorin Olaru, l'un de ses collègues. Compliquée à gérer, Sorin emprunte l'appartement d'un ami, il faut dissimuler, mentir, ne rien laisser voir. En arrière plan, de plus en plus présent au fur et à mesure du l'avancement du roman, la situation politique et sociale de la Roumanie de l'ère Ceaușescu. Décrite non par les événements fixés dans l'histoire, sinon incidemment, mais par la manière dont les gens vivent leurs conséquences. La quasi interdiction du divorce par exemple, pour les fonctionnaires, les gens qui ont quelque chose à perdre à être mal vu, qui fait que Letitia ne peut se permettre de quitter Petru pour tenter de vivre une vraie histoire avec Sorin. Les personnages principaux appartiennent à une sorte de classe moyenne instruite, qui a des ambitions, qui se sent un potentiel, qui n'est pas la plus à plaindre sur le plan matériel, même si la dégradation de la situation la touche progressivement. le durcissement du régime entame peu à peu les marges qu'elle s'est octroyées, mais il y a la peur de tomber encore plus bas. D'autant plus que le pire est possible : au-delà d'un réel sombre, il y a un passé proche encore plus terrifiant. Qui resurgit petit à petit. Car le père adoptif de Sorin a côtoyé les frères Branea, les oncles de Letitia qu'elle même n'a pas connu, et dont elle ne sait presque rien. L'histoire de la famille, et au-delà celle de la Roumanie va refaire surface, par-à-coups, par petites touches, jamais complètement clairement, car on ignore des choses, ou on préfère ne pas savoir.

J'ai eu un plus de mal à entrer dans ce deuxième tome, l'histoire de l'adultère de Letitia m'a paru un peu longue, et pas forcément très intéressante. J'ai eu aussi un peu de mal à suivre un certain nombre d'événements liés à l'histoire roumaine. Mais après un tiers du roman j'ai de nouveau été happée. Gabriela Adameşteanu maîtrise à la perfection l'art de bâtir une structure romanesque, et tout commence à un moment à prendre forme, à faire sens. Les liens entre le passé et le présent apparaissent, les fils se nouent. C'est un tableau très sombre, certes, mais très juste, des relations humaines viciées par le contexte dans lequel évoluent les personnages, celui de mensonge, de la délation, un contexte qui pousse en haut ceux qui sont sans scrupules, sans morale, prêts à tout. Letitia, l'éternelle candide, dépourvue d'ambition, laisse glisser tout sur elle, ne s'aperçoit pas de grand-chose, dans une forme d'innocence assumée. Nous avons le sentiment de savoir avant elle, y compris ce qui la touche au plus près. Car petit à petit l'horreur quotidienne se révèle, ainsi que les êtres, comme Sorin, dont l'image finale est bien pitoyable, entre médiocrité et opportunisme, le tout dissimulé derrière une façade lisse et rassurante de bonnes manières et de délicatesse apparentes.

Gabriela Adameşteanu dresse un tableau saisissant de la violence des rapports sociaux, dans un univers qui l'exacerbe certes, mais qui est présente partout et de tout temps. Lorsqu'elle décrit les licenciements massifs, ceux qui sont appelés et repartent avec leur enveloppe de renvoi, en larmes, alors que les autres observent et malgré tout se réjouissent de ne pas être parmi les exclus, voire qui jubilent, je n'ai pas pu m'empêcher de faire le lien avec d'autres situations de même type, ailleurs, dans d'autres temps. Et on peut se demander comment on réagirait, comment on ferait face dans la même situation. le roman est très subtil, n'assène pas, mais pose la question des valeurs, de choix que l'on fait, parfois en refusant justement de choisir, des compromis plus ou moins bancals que l'on construit pour survivre, pour garder une image acceptable de nous-mêmes.

J'ai très envie de découvrir la suite.
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