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Critique de Kirzy


Kirzy
18 septembre 2023
°°° Rentrée littéraire # 18 °°°

Royaume-Uni. Une jeune femme embauche une détective privée pour retrouver son compagnon qui a disparu après un voyage à Paris. Point de départ qui semble bien paresseux pour un polar. Sauf que Conquest est un roman de haute volée qui propose une expérience ( c'est vraiment le mot juste ) audacieuse, très éloignée du mainstream littéraire, tour à tour ludique, lucide, cérébrale, inquiétante.

L'intrigue centrale est donc une enquête, à la fois catalyseur qui propulse le lecteur dans des directions inattendues, et ossature à un structure fragmentée parsemée de nombreux textes interstitiels ( notamment des essais sur le cinéma ou la musique ), et tout particulièrement une nouvelle de SF ( totalement inventée par l'autrice ) qui aurait été écrite dans les années 1950 et obsède le disparu, Franck. La Tour raconte comment la Terre a vaincu la planète Gliese. Pour célébrer la victoire et commémorer les nombreux soldats morts, une tour résidentielle est construite à partir d'une roche extra-terrestre prélevée sur Gliese, une roche qui semble vivante et menace l'écosystème terrestre.

On découvre la personnalité de Franck à travers le portrait qu'en dresse sa compagne à Robin, la détective : « C'est comme s'il était au bord d'un précipice et qu'il risquait à chaque instant de tomber parce qu'il est trop occupé à contempler le ciel, les étoiles, les montagnes au loin. » Franck est un génie des mathématiques et du codage informatique, sujet à la maladie mentale, obsédé par Bach ; il fréquente un forum complotiste ufologique qui considère La Tour comme une prophétie codée qui est en train de se réaliser, une guerre interstellaire et l'invasion extra-terrestre ayant commencé, évidemment caché par les gouvernements.

Conquest renvoie une image inquiétante de notre monde avec une sous-couche qui presque être lue comme une allégorie de la crise COVID. C'est le grand roman de l'anxiété, ici représenté par l'obsession complotiste

« La réalité fait peur, surtout avec le changement climatique, surtout depuis la pandémie. Croire aux extraterrestres, c'est comme croire en Dieu : soudain il y a une explication pour tout ce qui va mal dans le monde. Soudain il y a une cause en laquelle vous pouvez croire, une famille toute faite (...) le déclin de la spiritualité et l'essor de la société laïque ont conduit à la fragmentation des systèmes de croyance établis en une multitude de micro-religions.(...) Les théories complotistes sont la nouvelle religion : un systèmes de croyance postmodernes fondés sur un mysticisme ésotérique. »

La proposition est complexe, exigeante du point de vue intellectuel mais terriblement stimulante, conservant le lecteur engagé même dans les moments où il n'y voit pas clair. Nina Allan est parvenue à induire une lecture paranoïaque, en tout cas très proche de la vision du monde de Franck et ses amis complotistes. Même la voix rationnelle du récit, celle de l'enquêtrice, est ébranlée par ce qu'elle découvre sur la disparition de Franck et sa propre histoire personnelle. L'incertitude est permanente, jusqu'au dénouement, proposant un double scénario d'élucidation. le lecteur est sur ses gardes, avançant dans le labyrinthe des vérités cachées du complotisme et du récit.

Ce roman est captivant, assurément brillant. Il mériterait une deuxième lecture de ma part car je ne suis pas sûre d'avoir saisi toute sa richesse.



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