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Critique de Fandol


Les impatientes, de Djaïli Amadou Amal, est un livre dur, terrible et pourtant bien réel puisque l'autrice a vécu ce qu'elle raconte, à Maroua, dans le nord du Cameroun.
Tout ce qui est décrit ne s'est pas passé au Moyen-Âge mais bien à la fin du XXe et au début du XXIe siècle. Comme cela dure encore, il faut lire et faire lire Les impatientes, roman qui a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens 2020 après avoir été justement récompensé du Prix Orange du Livre en Afrique, en 2019, sous son premier titre : Munyal, les larmes de la patience.
Pourtant, si Pauline ne m'avait pas confié ce livre, je serais passé à côté. Je la remercie bien sincèrement pour cette lecture si essentielle.
Djaïli Amadou Amal avait donc d'abord mis le mot munyal dans le premier titre car munyal est le mot qui revient le plus souvent dans son texte. Munyal veut dire patience et c'est ce que tout l'entourage des trois femmes qui s'expriment, répète constamment, malgré toutes les horreurs commises par ces hommes sous couvert de tradition et de religion.
Ramla, élève de terminale scientifique, a dix-sept ans, aime Aminou, jeune de son âge, mais sa famille a conclu un mariage avec un riche homme d'affaires de la ville, déjà marié. Ce même jour, Hindou, sa soeur, doit se marier aussi avec son cousin, Moubarak, jeune homme qui boit, se drogue et dont elle ne veut absolument pas.
Avec beaucoup de précision, des termes de la langue locale, Djaïli Amadou Amal m'a plongé dans la culture de la polygamie et fait découvrir les concessions, sortes de domaines entourés de hauts murs avec un vestibule pour les visiteurs, une importante villa pour le père, un hangar pour les invités et des habitations pour les épouses.
J'ai été surtout impressionné et choqué par le rôle des oncles, toujours présents et à l'autorité qui ne se discute pas. Chaque famille, dans ce milieu aisé, resserre les rangs autour du père, des oncles et n'hésite pas à sacrifier ses filles pour faire des affaires, défendre l'honneur, mot-valise qui permet de tout accepter.
Malgré toutes les souffrances infligées à ces jeunes filles obligées de se marier contre leur gré, c'est la fête, les youyous résonnent, le défilé en ville fait connaître la bonne nouvelle et les invités profitent des agapes. Pendant ce temps, Ramla et Hindou pleurent, supplient mais rien n'y fait.
Déjà victimes de cette toute puissance masculine, les autres femmes compatissent peut-être mais prolongent les traditions, ne savent que dire munyal et obligent les plus jeunes à subir les mêmes traumatismes. Hindou est même battue par Moubarak qu'elle déteste mais elle n'obtient aucun soutien de son père ou de ses oncles.
Enfin, la troisième personne à s'exprimer apporte un éclairage très complémentaire puisqu'il s'agit de Safira, la première épouse d'Alhadji Issa. Elle voit débarquer Ramla qui a l'âge d'être sa fille. Très belle, beaucoup plus jeune, elle lui prend son mari qu'elle devra partager, ce qu'elle n'accepte pas.
Ainsi, après les souffrances, les terribles déchirements des jeunes filles contraintes au mariage arrangé par leur famille, l'autrice donne la parole à une première épouse qui décrit bien ce qu'elle ressent. Prête à tout pour reconquérir son riche mari et surtout pour chasser l'intruse, elle n'hésite pas à faire appel aux marabouts, aux imams, aux guérisseurs et autres sorcelleries qui lui coûtent beaucoup d'argent.
D'une écriture soignée, ce roman n'épargne rien à son lecteur. Il m'a appris énormément sur ces traditions qui ont détruit et détruisent encore des vies de femmes. Tout cela se passe dans un milieu assez aisé se donnant des allures de respectabilité faisant illusion vu de l'extérieur.
Pour cela, je suis immensément admiratif devant le courage de Djaïla Amadou Amal. Non seulement, elle a réussi à fuir ce cauchemar incroyable et bien réel mais elle a su tout raconter, tout détailler, tout faire partager avec un talent d'écriture qui mérite le respect. J'espère seulement que ce livre a pu un peu faire évoluer cette société pour que ces jeunes femmes puissent enfin vivre la vie qu'elles ont choisie.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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