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Critique de Apikrus


Cet ouvrage est le premier d'une série de trois livres retranscrivant des émissions radiophoniques présentées par l'auteur sur France Inter.
J'ai lu ce premier tome après avoir lu le second de la série « Sur les épaules de Darwin » (ils peuvent se découvrir dans le désordre) ; voici quelques éléments qui ont retenu mon attention.

■ Partie I : Entre hier et demain ton coeur oscille

L'ouvrage débute par des réflexions sur la nature du temps, et présente des découvertes sur nos perceptions.

Nos sens ne nous permettent pas d'appréhender notre environnement tel qu'il est réellement.
Ainsi, il a été constaté que des personnes qui ne connaissent pas une chanson peuvent y percevoir de courts temps de silence insérés sur la version originale, là où ceux qui connaissaient la chanson auparavant croient au contraire entendre le morceau complet. Ces derniers comblent en effet les silences ajoutés en reconstituant de mémoire la bande originale.
De même, une personne ayant perdu l'audition peut avoir l'impression d'entendre des sons qu'elle associait - et continue d'associer - à des modifications simultanées de son environnement ; par exemple, la vue de feuilles s'agitant au vent peut faire croire à une personne devenue sourde qu'elle entend leur bruissement.

Des images subliminales peuvent influencer nos comportements.

Notre perception de la durée d'un événement n'est pas la même selon le contexte (certains psychotropes modifient d'ailleurs la perception du temps, donnant un relief particulier à la musique).

Les prestidigitateurs savent tromper nos sens. La magie peut naître de la contradiction entre notre compréhension du monde et ce que nous croyons en percevoir. Une balle lancée en l'air doit retomber, et c'est magique si tel n'est pas le cas ! Un magicien nous fait croire qu'il lance une balle vers le haut, en feignant de suivre son ascension des yeux alors qu'il la glisse dans sa manche…

■ Partie II : Eclats de mondes disparus

Alors que les astronomes explorent le passé en regardant loin (la lumière perçue est d'autant plus ancienne que l'objet qui l'a émise est éloigné), les paléontologues, eux, le font en observant les profondeurs du sol ou des glaces (les couches les plus anciennes sont les plus profondes).

Certains astronomes pensent désormais que l'Univers est en expansion, et que cette expansion s'accélère (accélération qu'ils attribuent à une mystérieuse « énergie sombre » contrariant les effets de la gravité).
Ameisen rappelle le rôle d'Henrietta Swan Leavitt (1868-1912) dans la compréhension des dimensions de l'Univers. Elle fut embauchée comme 'calculatrice' par l'astronome Edward Charles Pickering (1868-1919), qui choisissait des femmes à ces postes (car elles étaient moins rémunérées que des hommes…). Henrietta Leavitt observa une relation entre la luminosité d'étoiles variables du nuage de Magellan - les Céphéïdes - et leurs périodes (laps de temps régulier séparant deux pics successifs de luminosité) : plus la période de l'étoile est grande et plus sa luminosité absolue est intense. Avec la luminosité apparente de toute étoile variable et la distance nous séparant d'une seule étoile variable (distance trouvée par un autre moyen), la Loi de Leavitt permet de calculer la distance de chacune d'elles. Et les limites visibles de l'Univers vont très largement au-delà de celles de notre galaxie, la Voie Lactée…

L'analyse de l'ADN aide les paléontologues à comprendre l'évolution de la vie sur Terre.
Ils purent notamment confirmer la validité de la loi de Bergmann. Cette loi (non universelle) explique que « la plupart des mammifères et des oiseaux qui vivent (…) dans des régions chaudes ont, généralement, une taille et un poids du corps plus réduits que les animaux de la même espèce, ou d'espèce proches (vivant) dans des régions plus tempérées », et ce pour limiter les dépenses d'énergie imposées par le maintien de la température corporelle. Cette règle a été confirmée par les mesures effectuées sur des fossiles trouvés à l'ouest des Etats-Unis, datés d'environ 55 millions d'années et laissés par de chevaux nains (« sifrhippus ») au cours d'une période d'intense réchauffement climatique de 130 000 ans (le poids de ces animaux est passé de 5,5 kg au début du réchauffement, à 4 kg à son apogée, puis est remonté à 7 kg au fur et à mesure du rafraîchissement de la terre, sans que la sécheresse ou les variations du taux de dioxine de carbone n'expliquent ces variations de poids).

■ Partie III : Nostalgie de la lumière

L'auteur raconte l'histoire de la découverte de l'Univers visible.
Aux observations, succèdent les spéculations…

■ Partie IV : Un éclair dans le nuit

■ Partie V : Au pays de la mémoire et de l'oubli

Ici, la mémoire est explorée sous de multiples aspects.
Comment la mémoire à long terme s'inscrit-elle en nous ? En quoi ce processus de mémorisation diffère-t-il de celui impliqué dans la mémoire à court terme ?
L'étude des processus de mémorisation chez des animaux (plus simples à étudier que chez l'homme) donne des clés pour répondre à ces questions chez l'humain. Mémoriser à long terme implique des constructions mentales, et donc de déformer la réalité. Et notre organisme peut se souvenir sans pensée consciente (comme ces personnes amputées d'un membre qui ressentent encore des sensations à ce 'membre fantôme' qu'ils n'ont pourtant plus) ou contre notre volonté (syndromes post-traumatique).
La mémoire n'est cependant pas qu'individuelle. Nos mémoires collectives imprègnent aussi nos façons d'appréhender le monde.

■ Partie VI :

L'auteur nous fait notamment découvrir la diversité des moyens de séduction chez les oiseaux mâles.
Plumes flamboyantes et colorées figurent parmi les plus connus, car très visibles.
Chez d'autres espèces des chants permettent de séduire l'oiselle.
Chez les Colibris d'Anna, la mâle plonge en piquée à 40 mètres du sol pour provoquer un sifflement séduisant avec le passage rapide de l'air le long de plumes adaptées à cet effet ; les mâles d'une espèce de piverts attirent leur conjointe à coups de bec sur branche creuse choisie pour la qualité de la sonorité que s'en dégage.
Les Oiseaux jardiniers satinés - passereaux australiens - les mâles construisent de très originales tonnelles : une allée de 75 cm de long sur 10 cm de large, pavée (de brindilles et mousses), décorée d'objets de préférence bleus, entourée de branches recourbées en forme de voute. Chez les Jardiniers à nuque rose, l'allée est orientée sud/nord et bordée d'objets disparates (cailloux, coquillages, capsules de bouteilles, …) disposés pour contrer les effets de perspective (les petits objets sont les plus proches de l'entrée et les plus gros au fond de l'allée), tandis que l'extrémité nord débouche sur une cour pavée d'objets. La première visite de l'oiselle s'effectue en l'absence du bâtisseur des lieux : si la construction a été convainquant, elle revient visiter l'artisan lui donnant ainsi l'occasion de parader (danse et émission de sons rythmés) pour tenter de la séduire ; et + seulement si affinités… Allez voir des photos ou des vidéos sur le net, c'est impressionnant (les constructions et les parades, pas le +) ! Darwin avait déjà identifié les choix d'accouplement comme un facteur de sélection, la sélection sexuelle, en sus de la sélection naturelle, ces formes de sélection pouvant d'ailleurs se contrecarrer partiellement (des plumes trop encombrantes et trop visibles peuvent attirer l'attention de prédateurs voire ralentir la fuite).

••• A mon avis : Les analogies avec l'homme ne sont pas fortuites (avec en guise de tonnelle, des signes extérieurs de richesse). Ces analogies nous renvoient à notre animalité, même si seuls d'autres modes de conquête sexuelle - plus brutaux - sont regardés comme inhumains. Humains, des comportements le deviennent lorsqu'on considère l'homme comme un animal parmi les autres animaux, ce qu'il est. Ne voyez dans ce propos aucune justification du viol. Plutôt qu'un loup, l'homme est un homme pour l'homme, avec toute la sophistication dont il est capable dans l'expression de sa cruauté envers autrui…

Ameisen, plus optimiste que moi, termine son ouvrage par un chapitre soulignant les facultés empathiques humaines, en montrant que certains animaux ont aussi de telles capacités.
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Mon avis pour conclure :

Cet ouvrage de vulgarisation scientifique traite de multiples disciplines (astronomie, paléontologie, biologie, neurosciences…). Lorsqu'il présente des découvertes scientifiques, les propos sont clairs, et accessibles au plus grand nombre. L'auteur ajoute des réflexions philosophiques induites par ces multiples découvertes. C'est souvent intéressant, mais il nous égare alors parfois dans des citations ésotériques…
Ainsi, je ne suis pas sûr de pouvoir lire avec plaisir Patrick Quignard, si abondamment cité par Ameisen, et suis encore moins attiré par les écrits de Borges, lui aussi cité…

Le texte d'Ameisen a été écrit pour être lu à haute voix et écouté ; il reste adapté à une lecture de visu.

Je recommande vivement cet ouvrage, de même que les deux autres tomes de la série « Sur les épaules de Darwin ».
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