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Critique de Eve-Yeshe


Vicente Rosenberg a fui la Pologne, direction l'Argentine, en 1928. Il voulait s'éloigner de sa famille, sa mère en particulier mais aussi son grand frère médecin et sa grande soeur communiste convaincue. Il est parti avec un ami Ariel qu'il a connu à Varsovie, à l'armée et Sammy dont ils ont fait la connaissance sur le bateau.

L'histoire commence en septembre 1940, les trois amis discutent au Tortoni, café qui est leur point de ralliement, quand le travail est fini.

Vicente est marié, avec Rosita Szapire, ils ont trois enfants, il travaille comme marchand de meubles dans un magasin de son beau-père qui fabrique lui-même ces meubles. Tout va bien, ils sont heureux, mais en Europe les nazis règnent en maîtres absolus. de temps en temps, Vicente reçoit une lettre de sa mère. Il a bien tenté, mollement, de la faire venir chez lui, mais n'a pas insisté quand elle a dit qu'elle préférait rester à Varsovie.

Peu à peu le ton des lettres change, les Juifs sont regroupés dans le ghetto de Varsovie, enfermés derrière un mur. Sa mère se réjouit (se rassure plutôt) car ils ont pu rester dans leur appartement situé au coeur du ghetto, et la vie semble continuer. Peu à peu, l'étau se resserre, ils sont de plus en plus nombreux, les nazis ont trouvé la solution, en plus de tirer dans le tas, le plus simple est de les affamer : ils doivent vivre avec 180 calories par jour, le cinquième des besoins élémentaires. le grand frère de Vicente continue à soigner les autres, gratuitement bien sûr, car ils sont obligés de vendre tout ce qu'ils ont pour acheter ce ma nourriture.

La vie continue à Buenos Aires, le magasin marche bien mais la culpabilité s'installe, et Vicente s'enferme dans le silence, ne plus voir, ne plus entendre, ne plus parler au grand désespoir de Rosita. Il est dans le déni, certes, mais comment pouvait-on imaginer ce qui se passait réellement dans le ghetto, puis la déportation, les camps de travail « la solution finale » ? les journaux évoquaient parfois des évènements en Europe, mais chacun préférait rester dans l'ignorance.

On aurait pu penser que Vicente parle avec sa femme, dont la famille a fui les pogroms en 1905, mais personne n'en parle, donc impossible de mettre des mots et de partager.

On voit sombrer Vicente dans la mélancolie la plus noire, enfermé dans sa forteresse intérieure, il s'éloigne de tout le monde, refusant de partager sa douleur. Il fait un cauchemar récurent où un mur l'emprisonne de plus en plus… Il se punit sans arrêt pour ce qu'il n'a pas fait, se demande qui il est vraiment : Argentin, Polonais, Juif ?

Santiago H. Amigorena calque son récit sur l'évolution des évènements en Europe sous le joug nazi, à la lumière de ce que l'on sait actuellement, évoquant la difficulté à mettre un nom sur l'innommable : génocide ? holocauste ? Shoah ?

L'écriture est belle, avec des répétitions qui scandent la montée en puissance de la souffrance et de la culpabilité : je sais, je ne sais pas, je ne veux pas savoir… comme on récite un mantra, exercice de style qui illustre très bien le sujet qu'il traite.

C'est le petit-fils de Vicente qui raconte l'histoire, procédé intéressant, car il vient en sorte témoigner de ce qui s'est passé dans cette famille.

J'ai beaucoup aimé ce roman, c'est presque un coup de coeur d'ailleurs, presque, parce que parfois on a du mal à rester en empathie avec Vicente, sans être tenter de le juger : la même interrogation toujours : qu'est ce que j'aurais fait à sa place ? « on ne saura jamais ce qu'on a dans nos ventres » comme le chante si bien Jean-Jacques Goldman, on aimerait être un héros, un résistant qui n'a pas plié sous le joug nazi et puis c'est si facile de refaire l'histoire quand on a tous les éléments en mains.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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