AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de RockyRacoon


A Ischiano Scalo, la mer est là mais ne se voit pas.
Entre la Via Aurelia qui borde la côte méditerranéenne et les marais infestés de moustiques, à Ischiano Scalo, deux enfants, Pietro et Gloria, voient leur amitié évoluer et s'ériger comme un rempart contre la solitude.
Entre la Via Aurelia et les marais, dans la moiteur étouffante d'un village isolé, Graziano, guitariste presque raté, vient museler sa crise identitaire de la quarantaine et oublier une rupture amoureuse.
C'est également dans un village imaginaire coincé entre la Méditerranée et les marais que Flora vient enseigner dans une petite école, une professeure austère et mystérieuse, seule et timide, qui a dédié ses plus belles années à s'occuper de sa mère gravement malade.
Flora s'occupe aujourd'hui des enfants du village et tente de déchiffrer les troubles qui agitent les âmes de ce lieu clos, oublié du monde, dans lequel il semble si difficile de s'épanouir.
Pietro et Gloria sont deux tempéraments que tout oppose. Gloria est la fille belle, effrontée et souriante d'un directeur de banque. Pietro est le plus jeune fils d'un pasteur alcoolique et violent, il est introverti, rêveur et grandit entre la brutalité de son père, la bêtise de son grand-frère et la soumission de sa mère, femme battue, perdue et effacée. Gloria est populaire, Pietro est un souffre-douleur. Ensemble, ils rêvent de quitter Ischiano Scalo, de quitter les moustiques et les marais, de grandir ailleurs, Gloria pour enfin embrasser un avenir radieux, Pietro pour fuir une vie d'injustice.
Graziano et Flora s'opposent eux aussi, dans tout ce qu'ils sont, dans tout ce qu'ils ont été. Flora n'a été que dévouement et oubli de soi, au service total de sa mère mourante, allant jusqu'à oublier qu'elle pouvait être belle et faire battre le coeur des hommes, faire battre son propre coeur.
Graziano s'est oublié dans une vie de plaisirs faciles, don juan à la gloire toute relative, offrant son coeur à une belle cubiste qui le lui rendra en mille morceaux.
Pietro et Gloria, Graziano et Flora, ces deux binômes aussi s'opposent, jusque dans la narration, qui prend à tour de rôle le point de vue de Pietro ou de Graziano. Les deux enfants rêvent de fuir le village, les deux adultes y sont (re)venus volontairement. Les deux enfants se connaissent depuis toujours, ils ont vu leur complicité se transformer en intimité, tandis que Graziano et Flora luttent contre une attraction qu'ils ne s'expliquent pas.
A Ischiano Scalo, les personnages évoluent au gré d'évènements absurdes et comiques et luttent contre eux-mêmes, contre les autres, contre le monde et si certains tentent d'échapper à l'emprise étouffante des marais, d'autres ne souhaitent fuir que leurs propres démons.
A Ischiano Scalo, la cruauté du quotidien est parsemée d'une douce poésie, de sentiments maladroits et de non-dits incompris, venant adoucir une succession d'évènements incontrôlés, filant chaque fois vers la tournure la plus improbable possible, dans un crescendo terrible et grotesque qui ne cesse de s'amplifier, jusqu'à stopper brutalement, trop brutalement, par un coup terrible, à couper le souffle.
A Ischiano Scalo se mêlent l'amour et la rage, la cruauté et la lâcheté, la tendresse et le cynisme, qui font la particularité de l'écriture d'un ancien cannibale, Niccolo Ammaniti, qui au fil des chapitres nous émerveille et nous horrifie tout à la fois.
A Ischiano Scalo, il y a la mer mais on ne la voit pas. Allora io ti prendo e ti porto via.
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (6)voir plus




{* *}