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Critique de Kirzy


Kirzy
25 février 2023
Nathan, trois ans et demi, a disparu aux abords de la rivière des Outaouais, près de Gatineau au Québec, alors qu'il était sous la surveillance de sa mère. Enlèvement ? Noyade ? Son corps n'a jamais été retrouvé. le couple de ses parents a aussitôt violemment explosé en vol. Zoé et Thomas ont la même histoire à digérer, la même souffrance à encaisser mais deux façons très différentes d'appréhender le traumatisme.

Isabelle Amonou trouve le ton juste pour caractériser ses personnages. Zoé, impulsive à fleur de peau, tout le temps dans l'action et la révolte, refuse de croire à la mort de son fils et le recherche avec un acharnement qui paraît insensé. Thomas, plus cérébral et calme, a fini par accepter le deuil même si cela le détruit. Six ans après la disparition de Nathan, lorsqu'il revient à Gatineau pour enterrer son père, la confrontation avec Zoé est inéluctable.
Mais L'Enfant rivière est bien plus qu'un drame intimiste. C'est un livre incroyablement romanesque, rempli d'actions, d'événements qui surprennent, l'intrigue rebondissant dans des directions difficilement prévisibles. le scénario est vraiment excellent.

Nous sommes en 2030. le monde fait face à des catastrophes naturelles comme des tornades à répétition, inondations. Les Etats-Unis ont ainsi chuté, forçant sa population à fuir vers le Canada qui ne veut plus supporter le poids de ces réfugiés climatiques. Zoé vit entre la rivière Outaouais, un de ces camps de migrants états-uniens qui craignent la déportation en Alaska, et une forêt peuplé de hardes d'enfants revenus à l'état sauvage.

Si la description et la présentation de ce contexte terrible sont trop « collés » à l'histoire de Zoé et Thomas, sans doute trop scolairement expliqués, le choix de la dystopie légère sans hiatus technologique est excellent, comme une prolongation possible de notre présent proposant une projection douloureusement réaliste. Cela crée une ambiance de menace permanente qui accentue la tension liée à la quête identitaire de Zoé, toujours proche du point de rupture, toujours au bord de la folie.

En plus du dérèglement climatique et de la réponse de nos sociétés à cette crise, la quête de Zoé est accompagnée des thématiques fortes : la transmission à travers le sort réservé aux populations autochtones au Canada, plus particulièrement au Québec. Sa mère, algonqine, a été traumatisée par l'assimilation forcée dans les pensionnats catholiques, au point qu'elle en est venue à renier sa culture amérindienne, au point qu'elle a sombré dans la dépression et l'alcoolisme. Comment Zoé aurait-elle pu protéger son enfant alors que sa propre mère, rongée par ses démons, ne l'a pas protégé d'un père dangereux et l'a coupée de ses racines profondes ?

Durant ma lecture, je me suis souvent dit que le roman était trop chargé, trop de thèmes - tous passionnant au demeurant - abordés. Mais finalement, ça marche. On est emporté par l'intensité des scènes et des enjeux balançant sur deux plateaux qui alternent espoir et désespoir, amour et désamour, désastre écologique et nature magnifique, ténèbres et pardon. J'ai plusieurs fois pensé à une autrice que j'adore, Sandrine Collette, pour cette capacité à faire vibrer le texte d'émotions contrastées et nous faire réfléchir des mille scissions de notre monde contemporain.

PS : l'illustration de la couverture est absolument sublime, comme souvent chez Dalva !
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