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Critique de Apoapo


La discrimination des Roms en Roumanie, provoquant le licenciement de son père à l'instar de tous ceux dont une délation sur leurs origines ethniques dissimulées suffit à l'exclusion sociale et professionnelle, est la raison qui conduit la famille de la jeune Anina Ciuciu, âgée alors de 7 ans, à se mettre dans les mains de passeurs pour émigrer clandestinement. Les péripéties de cette famille de Roms sédentaires comportent : un voyage inhumain en passant par le Kosovo jonché de mines antipersonnel, un transit par un campement rom à la périphérie de Rome situé en plein milieu de la décharge urbaine, dans les relents des détritus et parmi les rats, la mendicité, puis un nouveau passage clandestin vers la France, l'expulsion des foyers, la violence ordinaire des forces de police, une scolarisation dans l'humiliation interrompue encore par la mendicité – humiliation suprême, la rencontre providentielle, à Bourg-en-Bresse, avec une institutrice retraitée qui prend en charge l'alphabétisation de la petite fille et les démarches administratives de ses parents, un premier rejet de leur demande d'asile, une longue attente toujours caractérisée par l'interdiction de travailler faite aux adultes, enfin une régularisation temporaire leur permettant d'acquérir des revenus par voie légale, d'accéder à un logement décent, de scolariser normalement les quatre fillettes, jusqu'à ce que la seconde d'entre elles, Anina la narratrice, par un cursus d'excellence, parvienne au seuil de la Sorbonne pour un master en droit pénal et à l'ambition d'une carrière dans la magistrature, à la condition, encore incertaine à l'époque de la rédaction de ces mémoires, de l'obtention de la nationalité française.

Cet ouvrage est sans doute le fruit d'un entretien-fleuve avec Frédéric Veille, ou peut-être d'une rédaction à quatre mains. Il est hélas toujours impossible, dans ces conditions, de savoir quelle est la part de la narratrice dans l'exposé de son récit autobiographique et laquelle doit être attribuée au co-auteur, ne serait-ce que par ses questions. Lors de la rédaction, Anina a 22 ans et elle vient juste de « monter à Paris ». Pour cette raison, on peut avoir des curiosités inassouvies ou nourrir des réserves sur tel ou tel autre aspect de la vie de la protagoniste que l'on estime insuffisamment traité, comme par ex. les souvenirs d'enfance en Roumanie ou les moments où les migrations ont été les plus dures, et se demander si c'est dû à la pudeur ou au refoulement. Inversement, on peut estimer que certaines considérations d'ordre plus général sur la vie, sur les valeurs, sur les affects familiaux ou sur les relations de couple relèvent de la candeur d'un jeune âge entraînant encore son lot de certitudes...
Peut-être un approfondissement sur les conditions historiques des discriminations à l'égard du peuple rom aurait-il servi la cause qui est explicitement embrassée par la narratrice dans sa motivation à se conter, mais il est certain que la force du témoignage, pour le fait même d'être une prise de parole outre le parcours exceptionnel qu'il décrit, suffit à rendre audible, pour les oreilles et les coeurs ouverts, l'imploration qui constitue la chute du livre :

« Alors, je vous en supplie, quand demain, dans la rue, vous croiserez une dame au dos courbé, affichette en carton sur les genoux, quand vous verrez qu'assise à côté d'elle, il y a une petite fille aux longs cheveux noirs, ne la jugez pas, ne l'insultez pas, ne la frappez pas. »
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