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Critique de Cancie


Quelle histoire que ce Train des enfants que nous raconte Viola Ardone ! Une histoire qui est un roman, un roman basé sur L Histoire, sur un épisode méconnu de l'après-guerre. En 1946, un an après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les camarades du Parti communiste italien et l'Union des femmes italiennes ont eu l'idée d'envoyer dans le nord de l'Italie où la nourriture était plus abondante le maximum d'enfants défavorisés issus des villes du sud. Et ce sont en train que pas moins de 70 000 enfants de quatre à dix ans ont pu ainsi être acheminés, afin qu'ils soient logés, nourris, blanchis et instruits, vers ces familles d'accueil, pendant quelques mois.
S'inspirant de ce fait historique, l'auteure nous raconte comment Amerigo Speranza, 7 ans, qui vit avec sa mère Antonetta, n'a jamais connu son père ni son frère Luigi mort d'asthme bronchique va se retrouver le coeur coupé en deux. Son surnom est Nobel car il connaît déjà beaucoup de choses et s'il ne sait pas encore lire, il se défend très bien avec les chiffres et se débrouille déjà à récolter de vieux chiffons que sa mère lave et réussit à revendre ce qui leur permet de survivre. Très rusé, il n'hésite pas avec son copain Tommasino à capturer des rats, à les peindre en blanc et marron avec du cirage à chaussures, leur couper la queue pour les faire passer pour des hamsters, très prisés par les dames riches « qui n'étaient plus tellement riches » à qui ils les vendent. C'est sans compter sur une averse subite qui ne leur laisse pas le temps de mettre leur étal à l'abri et ainsi révèle la supercherie. Telles étaient les astuces pour ces familles et ces gamins des « bassi », ces vieux quartiers populaires de Naples pour subsister.
Mais un jour de 1946, quand Maddalena Criscuolo, figure du parti communiste napolitain pour actes de résistance pendant la guerre, proposera à Antonetta d'emmener Amerigo dans le Nord, celle-ci bien que très réservée, car de nombreuses rumeurs circulent, accepte pour donner à cet enfant qu‘elle chérit toutes ses chances. Lors du départ, le fait de retrouver dans la file d'attente Tommasino, son copain et Mariuccia, la fille du savetier rassure un petit peu l'enfant.
Ainsi, Amerigo sera accueilli à Bologne par Derna, et confié pendant qu'elle travaille aux cousins de celle-ci Rosa et Alcide et leurs trois enfants.
Quatre parties composent ce roman, la première décrit la vie dans le basso à Naples jusqu'à l'opportunité offerte aux familles d'envoyer leurs enfants dont Amerigo vers le Nord dans des familles plus aisées, la deuxième permet de le suivre dans sa famille d'accueil, la troisième raconte son retour chez sa mère et la dernière, intitulée 1994, l'homme qu'il est devenu.
C'est un roman très riche et ô combien bouleversant.
Il est d'abord le constat de la misère qui sévit notamment dans le sud de l'Italie à la fin de le Deuxième Guerre mondiale mais aussi de la générosité et de la solidarité dont ont fait preuve de nombreuses familles italiennes.
Il est également un grand roman psychologique qui interroge sur le ressenti qu'ont pu avoir ces tout jeunes enfants obligés de quitter leur famille pour partir ailleurs, sans savoir où, le sentiment d'abandon qui les a nécessairement envahis puis l'arrivée dans un nouveau foyer avec de nouvelles règles à s'approprier. Qu'en a-t-il été également des parents qui ont dû, par amour pour leurs enfants, s'en séparer pour leur bien-être et assister à leur départ?
Pour ce qui est du retour, Viola Ardone montre avec beaucoup de finesse combien il a dû être difficile pour beaucoup, après s'être attachés à leur famille d'accueil de la laisser et de rentrer dans leur foyer et retrouver, certes l'amour de leur famille mais à nouveau des conditions difficiles et comment ils ont dû se retrouver partagés entre leurs deux familles aux modes de vie si différents. L'écrivaine a su, en choisissant de suivre le parcours de plusieurs enfants, montrer, selon le caractère de l'enfant et son environnement familial, tout ce que cette expérience avait pu avoir des répercussions tout à fait différentes selon que les liens entre les deux familles avaient pu être préservés ou non.
En se mettant à hauteur d'enfant et en donnant la parole à Amerigo pour nous raconter son histoire, Viola Ardone a trouvé le ton juste pour nous faire partager toutes les difficultés et les multiples émotions auxquelles il a été confronté. Une belle réussite !
J'ai bien apprécié les quelques couplets de chansons de lutte italiennes qui contribuent à renforcer ce sentiment de solidarité et une note joyeuse bienvenue.
Ce très beau roman, touchant, bouleversant, déchirant, tout en abordant des sujets très graves et très sérieux réussit à nous balader entre le sourire et les larmes dans un monde de tendresse où l'émotion est omniprésente.

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