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Critique de HundredDreams


J'avais déjà rencontré Hiro Arikawa avec son très joli roman « Les mémoires d'un chat ». Les critiques enthousiastes de plusieurs amies babeliotes et une dernière impulsion de Fanny1980 ont fini de me convaincre de lire « Au prochain arrêt » et je les en remercie.

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Hiro Arikawa surprend par l'originalité du thème et la construction de son récit en miroir.
En effet, le récit se déroule sur la ligne de métro d'Osaka qui relie Takarazuka à Nishinomiya.
Structuré en deux parties, la première se déroulant au printemps dans le sens aller, la seconde à l'automne pour le voyage du retour, l'histoire suit quelques passagers, le temps de leur voyage.
A chacun des huit arrêts de la ligne débute un nouveau chapitre portant le nom d'une des stations de métro. Là, montent et descendent des voyageurs, habitués de cette ligne.

« La sonnerie annonçant le départ ne tarda pas à retentir, les retardataires se hâtèrent d'y monter, et les portes se refermèrent.
Il démarra. Quels récits habitaient ses passagers ? Ils étaient les seuls à le savoir.
Le train se lança avec sa cargaison d'histoires sur son parcours qui n'était pas infini. »

A chaque gare, on change de perspective en changeant de narrateur.
Tour à tour, personnage principal, personnage secondaire, témoin, médiateur, ou simple figurant, les voyageurs se croisent et échangent parfois un regard, quelques mots. Il est des rencontres qui peuvent nous briser, ou au contraire nous permettre d'avancer et nous rendre plus fort.

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Ce roman m'a fait penser au magnifique poème de Jean d'Ormesson, « le train de la vie ».

« À la naissance, on monte dans le train et on rencontre nos parents. Et on croit qu'ils voyageront toujours avec nous. Pourtant, à une station, nos parents descendront du train, nous laissant seuls continuer le voyage…
Au fur et à mesure que le temps passe, d'autres personnes montent dans le train. Et elles seront importantes : notre fratrie, nos amis, nos enfants, même l'amour de notre vie.
Beaucoup démissionneront (même éventuellement l'amour de notre vie), et laisseront un vide plus ou moins grand. D'autres seront si discrets qu'on ne réalisera pas qu'ils ont quitté leurs sièges.
Ce voyage en train sera plein de joies, de peines, d'attentes, de bonjours, d'au-revoirs et d'adieux.
Le succès est d'avoir de bonnes relations avec tous les passagers pourvu qu'on donne le meilleur de nous-mêmes.
On ne sait pas à quelle station nous descendrons, donc vivons heureux, aimons et pardonnons… »
Jean d'Ormesson

Selon moi, le train d'Hiro Arikawa est une métaphore. Il symbolise notre existence, notre destinée.
J'ai vu cette ligne ferroviaire comme la matérialisation d'une tranche de vie. Cette voie n'est, bien sûr, pas toujours linéaire, ni dégagée de tout obstacle. Parfois également, elle se scinde en deux directions différentes et le choix s'impose.

« … on n'a jamais rien à gagner à fréquenter des gens qui ne partagent pas vos valeurs. On risque même d'en oublier les siennes. »

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La deuxième partie m'a plu également car elle m'a permise de retrouver les mêmes passagers à plusieurs mois d'intervalle et voir les changements dans leur vie et l'influence de ces rencontres inopinées. Car, au bout du compte, c'est à chacun que revient la décision finale de choisir.

« Une femme que j'ai croisée dans le train un jour m'a dit des choses qui m'ont beaucoup aidée à un moment où je filais un mauvais coton. »

A travers ces différents portraits, le lecteur découvre quelques petites facettes de la société japonaise et en particulier les codes à respecter dans les transports en commun.

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Ce qui est étonnant avec les romans japonais, c'est cette impression qu'il ne se passe pas grand chose. Mais j'ai été prise dans la narration centrée sur ces quelques personnages, témoin de ces petits instants de vie, de ces belles rencontres, de ces liens tissés ou de ces vies bouleversées.

L'atmosphère est si bien rendue que je me suis retrouvée passagère du train, observant les passagers de la voiture, surprenant des gestes, accrochant des regards, devinant des émotions, écoutant des conversations.

L'écriture de Hiro Arikawa est douce, simple et apaisante, s'attachant à capturer la personnalité de chacun des protagonistes de l'histoire. Tout au long du récit, l'auteure étonne par son habileté à faire naître de nouveaux personnages attachants, qu'on aime à retrouver au gré des arrêts du train.
Et cette fin ouverte laisse le lecteur imaginer la suite de leur histoire.

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Pour conclure, ce petit roman choral décrit, avec délicatesse et pudeur, le quotidien dans les transports en commun et ces rencontres fortuites qui changent une vie. C'est aussi un roman qui parle de la perception que nous avons des autres.

Ce roman est une jolie découverte.
Le charme opère, laissant dans l'esprit du lecteur une douce lumière tamisée.
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