AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Manetheren


Succulente pièce de théâtre, petit bijou de grossièretés, de grivoiseries et de persiflages ou manifeste satyrique en faveur d'un régime collectiviste ?

La lecture de l'Assemblée des femmes, comédie grecque antique écrite par Aristophane en 392 avant Jésus Christ, est réjouissante et absurdement drôle. Les Athéniennes, constatant la mauvaise gestion de l'État et une conduite politique délétère, considèrent qu'elles sont la solution. Elles entreprennent donc un coup : déguisées en homme, elles vont sur l'agora et au matin, lorsque se rassemble l'Assemblée, elles font remettre l'État et le pouvoir aux femmes. C'est le premier tiers de la pièce : à partir de là se réalise une truculente inversion des genres. Désormais, les hommes sont de perpétuels mineurs dans un état régi par les Athéniennes.
D'autres réformes sont mises en place comme la communauté des biens à l'échelle de toute la société athénienne ou quelques contraintes en cas de "trombonage", on en verra un exemple ensuite. Cette satyre est intéressante à plusieurs titres : derrière cette idée sûrement très disruptive pour l'époque, se cachent les critiques acerbes d'Aristophane contre le système politique en place. Déçu par les politiciens, conspuant les bellicistes et raillant démagos et absurdités de son temps, il écrit une séquence très drôle où on entend Gaillardine pourfendre les hommes pour leurs responsabilités.

Là où Miravoine rappelle l'omniprésence des procès dans la vie quotidienne athénienne, Aristophane fait dire à Gaillardine que "des procès, il n'y en aura plus". Il crache sur l'avarice de ses contemporains, comme quand Crachignol, suivant les nouvelles lois, décide d'apporter sa fortune et que son voisin argumente dans le sens contraire. Ce deuxième tiers ne fait que mettre en exergue les interrogations, les contradictions et les contournements auxquels doivent faire face tout nouveau régime. Aristophane livre ainsi de croustillants échanges entre Miravoine et Crachignol, puis avec Gaillardine, qui rentre de l'Assemblée. Je n'ai pas vraiment pris l'auteur au pied de la lettre, il m'a semblé avoir pris ce simulacre d'inversion des rôles pour mieux s'en moquer.

Justement, la troisième partie est le témoin de ces absurdités. Un jeune homme souhaite coucher avec une jeune femme. Pour cela, il doit céder aux avances des femmes plus âgées qui se présenteraient. D'ailleurs, Gaillardine avait dit à son mari que la même chose valait pour les femmes. C'est croustillant, c'est drôle, ça s'apprécie sans forcément trop contextualiser le tout.

On sent les désillusions d'Aristophane quant à l'évolution du système politique athénien qu'on peut lier aux évènements de la Guerre du Péloponnèse (Aristophane est carrément pacifiste), à un premier effondrement démocratique avec l'installation du Conseil des Quatre-Cents (dictature oligarchique) puis au réeffondrement démocratique par les Trente (dictature oligarchique... on ne change pas une équipe qui gagne).

Cette pure satyre des moeurs cohabite avec un profond désenchantement, un déclassement intellectuel et géopolitique. Aristophane, pacifiste, vit la défaite d'Athènes dans la Guerre du Péloponnèse, la déchéance de la Cité, la destruction de son empire et la fin de l'âge d'or de la Grèce Antique.

Allez, sur ces joyeux mots, bonne journée !
Commenter  J’apprécie          222



Ont apprécié cette critique (22)voir plus




{* *}