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Critique de Henri-l-oiseleur


Evidemment, les étoiles ne vont pas à Aristote lui-même (qui sommes-nous pour le noter ?) mais à l'édition bilingue du livre II de sa Politique, publiée en format de poche aux Belles-Lettres. Les indispensables vingt-deux pages d'introduction nous permettent d'entrer dans l'oeuvre et dans ses problématiques, que l'on peut résumer par la recherche de la vie heureuse. Puisque l'homme est un animal sociable, ou, dit Aristote, un animal politique, son plein épanouissement ne peut se faire que dans une société juste : cette société est le cadre où l'homme peut à la fois parler - penser- ("pour exprimer l'utile et le nuisible et par suite aussi le juste et l'injuste") ; parler avec les autres, à savoir délibérer avec eux du juste et de l'injuste ; enfin, agir avec eux pour réaliser le bien collectif. Parler, délibérer, agir sont les trois critères de la vie proprement humaine, et la cité est le lieu adéquat pour exercer ces trois activités, après la famille et le village, ou communauté économique.

Pour cela, il faut que la cité rende possible cette vie heureuse et accordée à la nature de l'espèce humaine. Aristote dans le livre II examine les cités réellement existantes dont on dit qu'elles sont bien gérées : Sparte, la Crète et Carthage. Avant cela, toutefois, l'auteur consacre le début de l'ouvrage à une étude critique des utopies politiques, des cités imaginaires ou théoriques conçues par Platon dans sa République et ses Lois, par Phaléas de Chalcédoine, moins connu, et par le célèbre urbaniste et architecte (mais aussi théoricien, si c'est bien le même) Hippodamos de Milet. Ce livre II est donc hybride, discutant d'abord de cités idéales, puis de cités réelles.

Et donc, je mets un nombre d'étoiles limité non à Aristote, ni même aux auteurs et traducteur français (parfois peu clairs), mais à moi-même, lecteur incompétent : en effet, pour comprendre ce livre, il aurait au moins fallu avoir une idée de la République et les Lois de Platon, que j'ai ouverts pour la dernière fois en 1975. Et en plus, le grec de la Politique me dépasse presque complètement. Mieux vaut donc commencer l'ouvrage d'Aristote par le commencement (Livre I) et, en ce qui me concerne, en français seul : justement, les éditions GF ont publié une édition complète unilingue, intitulée "Les Politiques". Ce mystérieux pluriel donne envie d'aller voir de plus près.

Un dernier mot sur une impression personnelle : ayant beaucoup lu sur la Torah juive et sur les modèles divins, sociaux, politiques et juridiques qu'elle enseigne, centrés sur le Temple, le Tribunal d'en-bas et d'en-Haut, le Roi, j'ai trouvé saisissante cette plongée en milieu grec. Aristote en effet, à peu près contemporain des auteurs hébreux de l'époque du Second Temple, conçoit la société humaine en termes parfaitement terrestres : une société, une cité, c'est une construction humaine, réformable, négociable, façonnable (voir les colonies grecques essaimées de la Crimée à la Provence, toutes ces Neapolis créées à partir de rien), sans aucune référence à une divinité transcendante et à ses volontés inscrites dans un Livre (la Bible, constitution de la Judée) à étudier sans relâche et à interpréter. J'ai eu l'impression de lire un texte purement laïc, à hauteur d'homme, hermétique à l'univers de pensée hébreu et juif. Il se peut que je force le trait, car si Aristote ne mentionne pas de Volonté transcendante dans cet ouvrage, il se réfère tout de même, implicitement, à des Valeurs universelles définies ailleurs dans son oeuvre. On sait que le sacré imprégnait profondément la civilisation grecque, mais tout autrement.
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