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Critique de Pecosa


Un Georges-Jean Arnaud comme on aime, quand l'auteur met son oeil d'entomologiste au service d'un bon petit polar. Alice Soult est une épave. A trente ans, elle est accro au cognac. Ancienne assistante sociale autrefois séduisante, elle n'est plus qu'une femme bouffie par l'alcool, contrainte de se vendre à des inconnus levés dans des centres commerciaux. Au bout du rouleau, elle accepte la proposition du potentat local Bossi, directeur des services de la municipalité. En échange d'une titularisation, elle va devoir jouer les taupes pour la mairie qui a un problème singulier à gérer sans faire de vague auprès de l'opinion publique. L'urbanisme a un souci à cause de la "Maison biscornue", un édifice de trois étages et de six appartements situé en plein centre ville qu'il faudrait détruire. Mais les propriétaires refusent de vendre. Et un des couples, les Sanchez qui a acquis un appartement en viager, vient de se suicider. L'enquête a révélé qu'il possédait des armes et des réserves alimentaires pour tenir un véritable siège. Alice va devoir diminuer sa consommation d'alcool, se rendre sympathique auprès des locataires, tisser des liens avec eux et voir si une négociation serait envisageable.

Le lecteur se rend vite compte que l'affaire s'annonce délicate. Alice est incapable de se passer de sa dose quotidienne de V.S.O.P, et tout le monde a l'air au courant de ses activités de prostituée occasionnelle. Intelligente, lucide, et désabusée, elle tente de mener à bien sa mission malgré le doute qui commence à s'emparer d'elle. Sans compter que Manuel Mothe, un journaliste au chomâge, mène une enquête sur le suicide des Sanchez et décide lui aussi de se servir d'Alice pour espionner les irréductibles Gaulois qui refusent de quitter la Maison biscornue. Le talent de Georges-Jean Arnaud fonctionne à plein régime dans la description du phalanstère, des familles modestes viscéralement attachées à un édifice qui n'a pourtant rien d'exceptionnel. Le plus dur pour Alice et les services municipaux était de pénétrer dans le bunker aux portes blindées, et aux habitants paranoïaques. Au fil des jours, le plus difficile semble d'en sortir, tant l'atmosphère oppresse cette pauvre Alice. La copropriété nie l'individualité, les voisins possèdent tous un double des clés, un chat apparait et disparait comme par magie, le dépressif de l'immeuble transforme son appartement en dédale et fabrique des sarcophages en papier mâché. Dans les vapeurs de 3 étoiles, Alice fauchée et désespérée tenter de percer le mystère. « On dirait des phagocytes qui dévorent des microbes, des molécules vivantes. Ils sont de la même race, ont la même voracité. »

Le docteur Arnaud est toujours aussi efficace pour poser un diagnostic sur les névroses de ses contemporains, pour décrire la montée en puissance de la paranoïa qui s'auto-alimente et démonter les mécanismes de défense d'une micro-société qui ne tolère aucune intrusion. Soit elle élimine le corps étranger, soit elle l'intègre dans son mode de fonctionnement. Bunker Parano, un polar de 1982 n'a pas pris une ride, notre époque n'étant pas en reste en ce qui concerne les névroses du quotidien.
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