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Critique de Biblioroz


Une promesse faite à sa mère mourante, ça doit se respecter non ? Mais jusqu'à quand, toute sa vie ? Jennifer a déjà trente-trois ans et depuis douze ans elle prend soin de son père vu qu'elle a promis qu'elle ne l'abandonnerait jamais. Seulement, subitement, sans prévenir personne, voilà que Père s'est remarié et qu'il ramène sa nouvelle femme Netta (soit dit en passant bien plus jeune que sa fille) pour prendre le thé avant de vite partir en lune de miel.
Jennifer y voit enfin le bout de son engagement, et ce avec un indicible plaisir. Netta va miraculeusement pouvoir prendre le relais sans que Jen ait l'impression de faillir à sa promesse.
Mais alors que Père pense qu'il doit rassurer sa fille qu'elle peut rester vivre avec eux, il est abasourdi de l'entendre dire qu'elle désire partir, en fait qu'elle brûle d'envie d'être libre, trop heureuse de se débarrasser de sa tâche et de fuir ce salon sinistre où elle travaille à taper les manuscrits de son père écrivain. de raisonnable, sans aucun désir, toujours calme et d'humeur égale, elle se métamorphose dès que Père quitte la maison. Finie cette vie ouatée, assourdie et austère, dans ce quartier de Londres qu'elle abhorre. Son visage lourd et sans expression s'illumine désormais, creusant des fossettes qui l'embellissent. Ses désirs jaillissent, elle veut vivre à la campagne, jardiner dans un cadre bucolique et goûter pleinement la liberté inespérée qui s'offre à elle. Toutefois, on ne brise pas si facilement les conventions de l'époque et, pour une femme non mariée, il est impensable de vivre seule, qui plus est avec un revenu de misère s'élevant à cent livres par an héritées de sa mère.

Pleine d'ironie et d'humour, la plume d'Elizabeth von Arnim arrive à gommer les lenteurs que j'ai ressenties en tout début de lecture car il faut bien préciser que le rythme est bien loin d'être trépidant. Ici, on s'attache plutôt à l'intensité des réflexions des uns et des autres qu'à une quelconque intrigue pleine de rebondissements. Mais alors, avec un humour vraiment irrésistible, quel plaisir de partager ces visions tout à fait désuètes de la place de la femme célibataire dans cette société anglaise. Il est inconcevable qu'une quelconque liberté puisse lui être octroyée, bien souvent par manque de revenu mais aussi parce que l'homme a besoin de l'asservir pour son bien-être domestique.
En se heurtant à nombre de méprises, la décision d'émancipation de Jennifer va chambouler sur son passage quelques vies et pas uniquement celle de son père. Elle se rend rapidement dans le Sussex où elle compte bien s'installer dans l'un des deux petits cottages loués par des ecclésiastiques. Essuyant un premier refus avec un pasteur, elle ne baisse pas les bras et, les pieds meurtris par les milles qu'elle n'a pas l'habitude de parcourir, elle se traîne vers le cottage aux Roses. Là, elle ne devra l'acceptation de lui louer cette petite bicoque pleine de charme, qu'à une soeur furieuse contre l'attitude de son frère pasteur. Dans ce nouveau cadre, une autre tyrannie nous sera servie par cette fratrie qui fera quelques étincelles.
Le désir de tranquillité, de solitude, de s'éreinter au jardinage et de contempler la quiétude campagnarde au clair de lune n'est pas si simple à satisfaire.
Et l'on se doute bien que Père, égoïste invétéré, ne laissera pas sa fille si facilement…

Finalement, cette chronique d'un besoin de liberté au féminin est tout à fait addictive. Je me suis sentie tellement bien dans cette écriture ample, truffée de pointes terriblement drôles, naviguant dans toutes ces pensées si scrupuleusement décortiquées et qui collent parfaitement à celles que tout cerveau génère, que j'ai terminé ce roman sur une note très positive.
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