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Critique de Afleurdelivres


Éblouissant premier roman tellement maîtrisé et émouvant. L'histoire d'un amour contrarié par la différence sociale avec en portrait de fond une jeunesse marocaine désillusionnée durant les années de plomb. Dans ce roman tout n'est qu'émotion, poésie, éveil des sens, images, odeurs, saveurs, sentiments ajoutés à un grand réalisme.
Maroc, 1994. Casablanca la blanche s'élève ondoyant sous une brise marine entre lumière et contre-jour étalant ses palais, les remparts ocre de la Médina, ses résidences huppées mais aussi sa misère la violence des bidonvilles celle qui fait honte, que l'on voudrait cacher, que l'on se cache. C'est là que Sarah une adolescente française « à la peau de terre cuite » vit avec sa mère du mauvais côté du fossé creusé par les inégalités sociales et qui renie ses origines au point « d'avoir la nausée lorsqu'elle croise les yeux des gens d'en bas ». Cette adolescente à la beauté tapageuse, très débrouillarde, use et abuse de ses « sortilèges de joliesse » avec ses poses sensuelles, ses sourires calculés et ses battement de cils exagérés. Menteuse et stratège, elle en apprend plus à l'école de la vie que sur les bancs du lycée. Faux self, faux mots d'amour elle joue de tous les artifices pour paraître et obtenir. Tout comme sa mère elle offre ses charmes contre quelques mets, boissons, vêtements et privilèges. Ne visant qu'à cacher sa pauvreté elle fréquente des amis du quartier huppé d'Anfa, tous plus ou moins paumés, ensemble ils rêvent d'un ailleurs et refont le monde depuis leur transat sur le sable, dans les cafés ou brasseries sous une chaleur propice à l'indolence. Les regards ont une importance capitale dans ce roman, les yeux qui scrutent ou ceux qui ne vous voient pas. Driss est de ceux là, de ceux qui ont un regard qui glisse sur les filles, alors Sarah ne voit plus que ces iris là « de thym et de laurier». Lorsqu'on lui apprend qu'il est « aussi riche que le roi » il devient son unique objet de désir malgré son physique ingrat. Elle qui envie les filles riches du lycée français, imagine son mariage avec lui et fantasme sur un palais majestueux aux jardins luxuriants avec des diamants au sol et d'un personnel à son service. Sa mère qui en a déjà bien assez à supporter son surpoids, ses amants et sa précarité se préoccupe peu d'elle. Quel destin possible pour ces dernières? Car être femme et pauvre constitue une double peine dans ce pays où des traditions sclérosantes condamnent à être dominée. L'écrivaine parvient à éviter les clichés et nous embarque avec justesse de sa très belle plume dans cette histoire d'un amour impossible, de cet amour pour lequel on scarifie les tables en bois du lycée du prénom de l'autre. Driss et Sarah. Pendant des mois « elle avait été lui, il avait été elle ». L'un est le refuge de l'autre. Au fond leur combat se ressemblent. Mais les parents de Driss voient cette relation d'un mauvais oeil. le face à face entre Sarah et la mère du jeune homme en pleine fête de l'Aïd est sensationnel d'ailleurs. Dès lors la réalité dévoile les murs qui les enferment calfeutrés jusque là par le déni. Un « Nous » unissant deux mondes opposés est-il possible ? Seront-ils un jour :
Libres de choisir
Libres d'agir
Libres de s'aimer? À quel prix...?
Dépaysant et bouleversant.




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