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Critique de Henri-l-oiseleur


D'Aubigné se convertit à la poésie engagée pendant les Guerres de Religion, qui opposèrent catholiques et protestants (et non, comme je l'ai lu, "chrétiens et protestants"). Il se sentit vaincu à la fin du conflit, quand il lui apparut que le chef du parti réformé, Henri de Bourbon, allait devenir Henri IV, roi catholique. Aussi alla-t-il vivre à Genève, parmi ses coreligionnaires, où il publia le grand poème des Tragiques peu après l'assassinat d'Henri IV.

Le livre se lit en continu, et non comme un recueil de poèmes mis à la suite un peu par hasard. Chaque chant, comme dans une épopée, est un discours poétique cohérent, avec sa logique, sa rhétorique et son propos. le lecteur qui se lancera dans une lecture intégrale des Tragiques devra d'ailleurs se procurer une autre édition que celle-ci, car le texte de d'Aubigné est d'une extrême difficulté (et d'une extrême beauté) : il faut des notes, pour éclairer les points de langue, de culture et pour expliquer certains passages (l'édition des Textes Littéraires Français, chez Droz, est excellente). D'Aubigné en effet ignore totalement la réforme classique de la poésie commencée en France avec Malherbe et son école, qui visent à "purifier" la langue de tout ce qui vient des dialectes et cherchent la clarté et la logique en toutes choses : en bon baroque, D Aubigné a recours à toutes les ressources de la langue, de la mythologie et de la Bible, comme Milton dans son Paradis Perdu, quarante ans après lui, ou comme son contemporain Gongora en Espagne dans ses Solitudes.

D'Aubigné est un poète baroque du XVII°s, ce qui veut dire un poète difficile, et demande des efforts que seule une contrainte universitaire peut motiver, souvent ; il s'étudie et ne se lit pas distraitement ; il n'a rien pour plaire aux modernes, car il est profondément cultivé, en héritier des Humanistes, et fanatiquement religieux comme on l'était à son époque : il respire par la Bible et les prophetes, leur éloquence, leur force, leurs anathèmes et leur violence. Rien ne lui est plus étranger que la tiède tolérance néo-classique qui est devenue la norme poétique française au XVIII°s, que Victor Hugo plus tard sera incapable de réchauffer avec son verbiage. D'Aubigne annonce en un sens Alexandre Blok en Russie ou Ezra Pound dans la poésie américaine du XX°s. L'étonnement et l'admiration où sa lecture nous plonge sont extrêmes.



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