AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de nadejda


Livre qui à travers les affinités électives de six femmes écrivains envers six autres donne envie de découvrir l'admiratrice et l'admirée et réamorce le désir de lire si tant est qu'il en soit besoin.

Marie Depleschin m'a permis de découvrir La comtesse de Ségur, une femme forte, déchirée qui aura tout perdu au fil des années mais qui va trouver sa voie grâce à ses enfants et petits enfants :
« Si elle se retourne sur sa vie, ce qu'elle a connu d'émotions sincères, d'amours comblés, de souffrances légitimes, de fierté, d'espoirs et de triomphes, c'est à ses enfants qu'elle le doit. »
« Elle raffole de ses petits-enfants. Elle les comprend avant même qu'ils ne se mettent à parler. Elle les traduit, elle les défend. Elle est grand-mère avec l'ardeur qu'elle a eue à être mère. »
C'est cet amour qui lui a fait écrire pour eux et qui l'amènera à publier ses contes et romans. A l'âge de 57 ans elle va regagner son indépendance perdue.

Gwenaelle Aubry m'a émue par son empathie pleine d'exaltation vis à vis de Sylvia Plath dont elle partage la folie d'écriture, l'écriture dont elles pensent qu'elle seule peut les sauver en les rendant plus vivantes :
« Écrire. Écrire est une autre solution. La seule qui permette d'être tout et rien à la fois : se débarrasser de soi, « devenir le véhicule d'un monde, d'une langue, d'une voix » et depuis ce vide devenir les autres, « apprendre d'autres vies et en faire des mondes imprimés qui tournent comme des planètes dans l'esprit des hommes ».
« Je cherche en elle, à travers elle, le point d'ajustement de l'écriture à la vie. Je ne veux pas la lire à travers sa mort (et donc pas non plus à travers le récit de sa vie). Je cherche à comprendre ce que, par l'écriture, elle a sauvé de la vie et ce qui, de l'écriture, l'a sauvée elle aussi. Je crois qu'elle a été violemment, excessivement vivante, que de la vie elle a tout embrassé, mort incluse. Et je crois aussi que l'écriture naît de ça : de la sensation (effroi et émerveillement) d'un excès de la vie sur elle-même que la vie ne suffit pas à combler. »

Camille Laurens fusionne avec Louise Labbé la rejoint dans la passion amoureuse et lui prête à certain moment le langage d'une féministe (là je ne l'ai pas trop suivie) mais surtout elle pense que l'écriture est aussi communion :
« Ce que Louise demande à l'amant, qu'il « sente en ses os, en son sang, en son âme/Ou plus ardente, ou bien égale flamme », je l'espère de la personne qui va me lire et qui ainsi, à sa façon, m'accompagne ; j'ai foi, comme Louise, en la ­puissance de vérité de la littérature, en son rôle vital de transmission, d'échange. Quand j'écris ou quand je lis, je partage des émotions, des sentiments, des expériences essentielles ; j'éprouve et je crois, comme Louise Labé l'espère de manière si poignante, que le poids de la vie « plus aisé me sera/Quand avec moi quelqu'un le portera ».

Lorette Nobécourt partage avec Marina Tsvetaeva la culpabilité des mères vis à vis de leurs enfants.« … je me souviens de ces heures effroyables où je pensais avec sincérité que mon suicide épargnerait ma fille de ma présence toxique. C'est une telle culpabilité Marina, quand on croit préférer les mots aux gens, et même à son enfant. Une telle culpabilité quand on ne sait pas encore que l'amour des premiers n'enlève rien aux seconds. Au contraire. »
et elle l'a remercie de lui avoir permis, grâce à son exemple, de trouver la force pour prendre son envol.

Marianne Alphant insiste sur la vie faite de calme et de retrait de Jane Austen, un vie dénuée d'évènements, une femme dont on sait peu de choses. Elle me fait penser à Emily Dickinson ou aux soeurs Brontë.
« Il y a des politesses à rendre, des conversations à écouter, les jours se ressemblent, il faut se contenter de ce peu, faire quelque chose avec rien – l'art le plus grand »
et de conclure
« Peut-être faut-il une vie décevante pour que tout soit donné par l'écriture. Peut-être faut-il connaître l'esseulement, l'échec, le doute, le sentiment de ne pas compter, pour observer avec tant d'empathie ce à quoi l'on n'aura jamais part. Et – que l'histoire soit écrite ou vécue – pour tout obtenir au final : l'importance, la lumière, le nom. Car ainsi procède le roman, sweetly, avec sa grâce heureuse.

Cécile Guilbert nous amène elle, vers la joie de Cristina Campo. Elle ne partage pas sa foi mais admire « ce personnage à la fois réservé et ardent », indépendante et révoltée : « Substance », « nourriture », « lumière », « eau vive » : nul besoin d'avoir foi comme elle dans « la Majesté Divine » pour savoir reconnaître dans ces synonymes les portes d'entrée d'une joie enluminée par cette notation exaltante : « Dans la joie, nous nous mouvons au coeur d'un élément qui se situe tout entier hors du temps et du réel, mais dont la présence est on ne peut plus réelle. Incandescents, nous traversons les murs. »

Les échanges entre ces femmes, car elles se parlent même si des siècles les séparent, sont inégaux mais toutes montrent que la rencontre entre elles leur a permis d'être plus forte et les a convaincues de poursuivre leur chemin d'écriture dans les moments où elles pouvaient vouloir abandonner.
Commenter  J’apprécie          404



Ont apprécié cette critique (34)voir plus




{* *}