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Critique de AMR_La_Pirate


Encore une fois, je remercie Aviscène pour la confiance qu'elle m'accorde en me confiant pour la deuxième fois un de ses livres pour un service de presse. Aux côtés de l'auteure qui se cache sous ce pseudonyme, découverte avec L'ultime Élément, je sais d'avance que je vais lire un texte profond, solidement référencé et que je vais sans doute être amenée à beaucoup réfléchir… Cela ne me déplait pas, bien au contraire
Avec Anarkhia, je m'embarque dans « une fiction inspirée du livre d'Hérodote et l'auteure précise que la réflexion profonde de cet ouvrage émane des textes sacrés du bouddhisme, du judaïsme, du christianisme et de l'islam ». Autant dire que la pression est forte…

Le titre de ce livre nous ramène à la racine grecque du mot « anarchie » et évoque donc une forme de désordre, de confusion générale et de chaos due à une absence de lois ou à l'incompétence de ceux qui détiennent l'autorité. En fait, le titre du livre reprend le surnom donné à une peuplade, connue pour ses vices, son immoralité et l'incompétence de ses deux chefs.
Soyons honnête : je n'ai pas lu Hérodote qui vivait en Grèce Antique au 5ème siècle avant Jésus-Christ et qui est considéré comme le premier véritable historien et géographe. Je me suis donc rapidement procuré une édition numérique de ses Histoires qui célèbrent les exploits guerriers des Grecs et des Perses, afin de m'y référer si besoin. Ce n'est qu'à la fin de ma lecture que je suis allée lire les parties qui ont servi de base à Anarkhia.
J'ai lu ce livre comme un conte philosophique ; je me suis laissée porter sans idées préconçues… Je donne juste ici les clés de lectures que j'y ai personnellement trouvées et qui, j'espère, vous donneront envie de le lire.

Aviscène commence par citer un passage de l'oeuvre de référence, extrait du livre IV sur la tentative de conquête des Scythes par les Perses, sous le règne de Darius. Puis, elle réécrit l'histoire d'Aristéas de Proconnèse, une figure de la mythologie grecque, « connu pour ses multiples voyages extatiques » et en fait une sorte de chaman, kidnappé pour venir en aide à une tribu en butte à la dépravation de ses chefs.
Sur les conseils du chaman, les deux dirigeants entreprennent un voyage pour aller consulter un vieux sage dont la consigne sera sibylline. Aviscène reprend donc, sans grande originalité, les poncifs du conte et les caractéristiques de la quête initiatique. Cependant, son écriture est jalonnée de traits d'humour et d'une discrète satire ; noms des chefs que je vous laisse découvrir, sortes de Dupont et Dupond, réflexions sur leur présence effective et leur rôle au sein de leur tribu, attitude irresponsable… Enfin, elle pose sous forme de conte les tenants et les aboutissants d'un bon nombre de dérives en tout genre dans lesquelles nous reconnaissons sans peine une transposition de ce que vivent et expérimentent nos sociétés actuelles.
Pendant ce temps, à Proconnèse, on commente la disparition d'Aristéas et les conjectures contradictoires et les rumeurs fusent de toutes part. À son retour, il va écrire un poème épique sur « ses voyages fantastiques sur des terres inconnues ».

Dans son récit, Aviscène entremêle des détails mythologiques qu'elle nous explique souvent en notes de bas de pages et des analogies plus nébuleuses empruntées à plusieurs textes fondateurs. Elle a choisi d'expliciter ce qui relève de la culture classique et de laisser ses lecteurs se débrouiller avec les thématiques plus spirituelles…
Ce sont sans doute les références bibliques que je connais le mieux et qui me frappent en premier ; ainsi, nous retrouvons un délai de quarante jours qui rappelle la durée de la pluie pendant le déluge, le temps passé par Moïse sur le mont Sinaï et par Jésus dans le désert…
Je sais que le jeune est présent dans les rites chrétiens avec le carême et dans les rites musulmans avec le Ramadan. On retrouve les voeux et les vertus du silence dans les deux religions.
Quant à la méditation, elle est présente dans toutes les religions, sous une forme ou une autre… Je dois reconnaître ici que je connais vraiment très peu la spiritualité bouddhiste.
La notion de libre arbitre intervient également dans le récit, au sens de volonté non contrainte, de possibilité de choix réfléchis.

Dans l'univers référentiel d'Aviscène, je retrouve la figure du renard, rusé et fourbe, trompeur et trompé comme dans le Roman de Renart ou dans les fables ou encore susceptible d'être apprivoisé comme celui du Petit Prince de Saint-Exupéry. Cet animal véhicule aussi des notions positives d'intelligence, d'adaptabilité et de rapidité.
Aviscène convoque également les éléments et les paysages naturels ; la grotte, la cabane isolée, la source, la rivière et la montagne sont assez symboliques comme lieux de l'introspection et de la méditation, du dépassement de soi et de l'apaisement, de l'ascétisme et de la retraite spirituelle.

Enfin, ce livre exploite les techniques de communication et de management : comment se faire comprendre d'un groupe de personnes, les organiser et les diriger efficacement pour le bien de la communauté ? Comment faire la différence entre obligation culpabilisante et frustrante et prescription finalisée et libératrice ?
Il est question de responsabilité, de remise en question et de respect d'autrui.
Les personnages ont des addictions, souffrent de maux psychosomatiques ; à la fin de ma lecture, j'avais oublié qu'ils étaient censés vivre à l'époque du règne de Darius au moment des grandes conquêtes de l'empire perse vers 513 avant Jésus-Christ.

Encore une fois, je salue l'érudition d'Aviscène et sa capacité à se servir de ses connaissances pour illustrer les grandes problématiques et provoquer le questionnement. L'auteure transpose avec talent son récit dans le passé ; ainsi la distance devient didactique et pousse à la réflexion, reprenant la fonction éducative du conte philosophique, filant la piste métaphorique.
À la fin d'Anarkhia, elle donne quelques citations à méditer sur les notions d'obligation et de prescription et à côté des grands textes religieux, j'y ai trouvé des auteurs que j'affectionne…

Encore une fois, Aviscène m'a eue par surprise, suffisamment intriguée pour que je fasse quelques recherches personnelles… Est-il nécessaire de connaître Hérodote pour lire Anarkhia ? Pas forcément… Mais on peut se demander qui lit cet auteur de la Grèce Antique encore aujourd'hui, à part quelles étudiants de lettres classiques. Je trouve très intéressant de le dépoussiérer un peu et de montrer ainsi combien les grands textes fondateurs sont toujours très actuels.
Merci Aviscène.

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