AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Zebra


Zebra
19 novembre 2014
Ayerdhal et Marc Soulier ne font qu'un. L'homme, né à Lyon en 1959 et connu comme auteur de SF, écrit en 2004 « Transparences », thriller paru aux Éditions Au diable vauvert. L'ouvrage obtient la même année le Prix Polar Michel-Lebrun de la ville du Mans et le Grand Prix de l'Imaginaire. le livre compte 603 pages.

L'action commence à Lyon, en 1998. Stephen, psychologue et criminologue, travaille pour Interpol. Decaze, son boss, lui confie un jour le dossier Ann X, du nom d'une ado qui à 12 ans a assassiné de sang froid ses parents ainsi qu'un couple d'amis, et qui -devenue femme- se trouve soupçonnée d'avoir commis un millier de meurtres, pour la plupart réalisés à l'aide d'un wakizashi, sabre japonais de 30 à 60 cm de long. Stephen se lance à la recherche de la criminelle multirécidiviste mais Ann X, autonome, agoraphobe et autotrophe, possède le pouvoir de se rendre transparente (as du maquillage et de l'électronique, elle semble utiliser un logiciel de morphing), à tel point que les images prises par les caméras de vidéosurveillance sont floutées et que les témoins de ses crimes ne peuvent dresser son portrait. La criminelle est introuvable. Elle se joue des pièges que lui tendent toutes les agences du monde entier (FBI, NSA, BRD, KGB, DST, DGSE …), tuant tantôt à cause d'un harcèlement sexuel dont elle aurait fait l'objet, tantôt sur un coup de sang. Stephen se lance dans une enquête difficile : on lui cache manifestement des éléments essentiels du dossier, il y a du traficotage voire de l'effacement de mémoires chez les témoins qu'il rencontre et de la manipulation de fichiers informatiques (la guerre des polices fait rage) ; en outre, il fait l'objet de filatures organisées par une taupe d'Interpol. Quant à Ann X, elle semble bénéficier d'une protection de haut niveau. Curieusement, la meurtrière tente à plusieurs reprises d'entrer en contact avec lui, sous les apparences féminines les plus diverses, apparemment au mépris de sa propre sécurité. Existe-t-elle seulement ? Elle n'a ni nom, ni photo, ni empreintes. N'est-elle pas un prétexte à crimes politiques déguisés en meurtres crapuleux, le fruit d'une passe d'armes entre agences autour de transfuges exfiltrés et devenus gênants ?

Il y a de l'action, des rebondissements et du suspense. La tension est réelle : il y a quand même une chasse à l'homme, pardon, à la femme. Les personnages sont crédibles, voire attachants (tout en nuances et en contradictions) et les dialogues sont particulièrement croustillants (cf. ma citation). Stephen n'est pas un enquêteur infaillible : il croit reconnaitre Ann dans le reflet de chaque vitrine, dans le visage de chaque jeune femme qu'il croise, et la tueuse lui échappe. On pourra saluer la précision et le côté vivant des situations « filmées » par l'auteur dans différents coins de la planète (bon, l'essentiel de l'action a quand même lieu à Lyon, ville natale de l'auteur). Et les meurtres perpétrés par Ann X sont décrits de façon pour le moins originale, comme des ballets gracieux, photographiés au ralenti, image par image, mais terriblement efficaces : il fallait oser ! Mais l'ouvrage est un peu rébarbatif, inutilement complexe : toutes les hypothèses se croisent, la liste des non-dits est interminable et beaucoup de raisonnements plausibles tombent à l'eau. Par ailleurs, Ann X apparait trop tard (dans la dernière partie du livre) et sa présence n'occasionne qu'un déferlement de parlotes et d'états d'âme entre Stephen et elle : ils ressemblent à deux individus psychologiquement instables, incapables de se définir et de s'en tenir à une ligne de conduite : on est loin de Rambo et d'Angelina Jolie ! Enfin, le thriller est truffé de clichés, d'invraisemblances (Ann X aurait inventé à 16 ans une théorie des interactions proprioceptives à partir des recherches sur la gravitation quantique : vous y croyez ?), de pseudo analyses psychiatriques et de considérations politico-humanistes assez fumeuses, tenant de la théorie du complot ou relevant du slogan "sauvons-la-planète-de-l'impérialisme-américain".

Avec « transparences », vous êtes à mi-chemin entre plusieurs genres : la SF ou la fantasy (une Ann X en justicière parfaite, invisible et poursuivant un idéal inatteignable, un mirage en effet miroir, un samouraï en jupons, le fantasme de l'idéal féminin, toute en griffes et en velours, le chainon manquant entre la barbarie et l'humanité, à la fois messie et égérie d'un groupe animé de mauvaises intentions) ; le thriller ; le roman d'espionnage ; la critique sociale (Michel, SDF, est le copain et le réconfort permanent de Stephen, celui dont l'amitié fait souvent mal aux tripes) ; le roman de gare (Stephen est un Don Juan qui s'ignore, un séducteur bio et -quel veinard- les femmes se précipitent pour le rejoindre dans son lit) ; un manifeste contre l'enfance en danger (Ann X serait une victime avant d'être une tueuse froide et redoutable) ; un essai assez gauche et fortement idéalisé de pseudo stratégie politique. Était-ce voulu ? Fausse bonne idée. Si la lecture de « Transparences » reste le plus souvent agréable, la fin est « too much ». Je ne mets que 3 étoiles.
Commenter  J’apprécie          230



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}