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Critique de Creoline



Pertinax est, ni plus ni moins, un roman qui nous relate le procès de Melody Walker ; c'est un récit qui se déroule à huis-clos et le lecteur est en quelque sorte invité à infiltrer la communauté d'Elkton, agitée par le procès imminent qui s'étend sur sept jours.
Une semaine, c'est en effet le temps qu'il reste à Thomas Dutourd, avocat de la présumée sorcière, pour la tirer d'affaire. Thomas Dutourd, ça ne vous aura pas échappé, est un avocat français, ce qui lui vaut l'hostilité de bon nombre de personnages ; mais après tout, qui d'autre qu'un marginal pour défendre le cas de la paria de sa communauté ?

J'ai employé le terme de communauté au singulier et j'aurais aussi bien pu faire mention des communautés car à Elkton cohabitent les Catholiques, les Congrégationistes et les Quakers, ce qui donne lieu à de vives tensions religieuses.
Pour information, si vous n'êtes pas à l'aise avec ce qui a trait à la religion et à l'histoire, passez votre chemin. La complexité du contexte, bien qu'expliquée en préface, pourrait en rebuter plus d'un.
J'ai moi-même eu du mal à entrer dans le roman parce que l'histoire et la religion ne sont pas mes thèmes de prédilection, et que j'ai par moments eu quelques difficultés de compréhension. Pourtant, je me suis accrochée.
Je me suis accrochée, dans un premier temps, parce que la plume de L. Azarii est juste et incisive, malgré quelques coquilles qui sont passées entre les mailles du filet.
La plume est belle, certes, mais il m'en fallait plus pour aller au-delà de ma presque aversion des romans historico-religieux.
C'est l'originalité narrative adoptée par l'auteur qui m'a tenue en haleine, parce qu'en réalité, tout le récit est un défilé de témoins appelés à la barre, défilé alterne avec des scènes que je qualifierais de plus… mystiques. En tant que lecteurs, on est donc à la fois les témoins et les juges de ce procès, puisque le roman est ponctué par les divers témoignages des personnes appelés à la barre. Et ces récits se fraient une place dans notre esprit qui tente, qu'on le veuille ou non, d'établir LA vérité. Selon moi, ce sont les transcriptions du greffier qui constituent la force motrice du récit.
Dans la joute verbale au coeur de laquelle on se retrouve impliqué, il y a énormément de dialogues et je trouve que ce sont justement ces dialogues qui rythment le texte et le dynamisent ; si je suis restée jusqu'au point final du récit, c'est parce qu'à mon sens, ce roman est une oeuvre d'art, une véritable anamorphose. En effet on a BESOIN de cette multitude de personnages et de témoignages pour pouvoir saisir LA vérité qui est l'objet de notre quête, comme l'auteur l'annonce lui-même.

La diversité n'est pas exclusivement imputable aux témoignages bien qu'ils épicent incontestablement le récit ; dans le roman, les thématiques également sont plurielles : il y est question de sorcellerie, oui, de religion oui, de superstitions, aussi, mais également d'esclavage, d'homosexualité, et du danger que pouvait représenter la femme instruite à l'époque. Bref, il s'agit d'un roman qui explore l'humain et l'humain en tant qu'être faillible mais éminemment perfectible… l'humain dans toute sa contradiction, quoi.
J'insiste sur le mot contradiction puisque Pertinax est un roman qui n'était pas forcément à mon goût de prime abord, mais que je n'ai pas réussi à lâcher.

Pour parvenir à nous clouer à son récit, l'auteur a savamment distillé les ingrédients que sont une société pleine de secrets, une intrigue fouillée aux nombreux rebondissements, la résonance toute proche de la chasse aux sorcières, à Salem et la course au pouvoir, indissociable de toute une flopée de trahisons et complots en tous genres. Chaque anecdote, chaque témoignage a pour but d'attiser la curiosité du lecteur tout en réajustant sans arrêt sa vision des choses et j'ai apprécié de ne pas avoir su anticiper la fin du récit.

Finalement, la complexité du roman fait écho à la complexité de l'enquête que doit mener Thomas Dutourd dans un univers où les intérêts sont à la fois politiques, religieux, et personnels et la tension dramatique est constamment tangible.

Pour finir, sachez qu'en tant que lectrice, je me suis retrouvée tout aussi captive que la protagoniste lorsqu'elle était recluse dans sa cellule ; si elle, était en attente du verdict et du délibéré, moi j'attendais la vérité et c'est ce qui m'a poussée à tourner les pages, quelquefois de façon frénétique quelquefois de façon analytique, à la recherche, dans les retranscriptions du greffier, d'indices que l'auteur aurait pu semer pour nous aider ou au contraire, nous induire en erreur.
C'est une jolie découverte que j'ai faite en lisant Pertinax, et je suis contente d'avoir poursuivi cette lecture par laquelle je n'étais pas initialement convaincue. Je me répète, certes, mais j'ai aimé le côté anamorphique de ce roman que vous conseille d'essayer… si vous êtes amateurs d'art !
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