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Critique de elitiatopia


La jeune Camille de Grandlieu, de famille noble ancienne, s'est éprise du jeune comte Ernest de Restaud, ce qui n'est pas au goût de la vicomtesse de Grandlieu, sa mère, car Anastasie de Restaud, la mère d'Ernest (et fille du Père Goriot) n'est pas selon elle fréquentable : d'abord elle est d'origine bourgeoise, ensuite elle est connue pour avoir eu des moeurs quelque peu dissipées...
Afin de lui donner un éclairage plus juste sur la situation, et peut-être de favoriser un possible mariage entre les jeunes gens, Derville, avoué et fidèle à la famille de Grandlieu, qu'il a très efficacement aidée à retrouver ses biens en rentrant d'émigration sous la première Restauration, entreprend de raconter à la vicomtesse l'histoire du jeune comte de Restaud et des frasques de sa mère, via la présentation d'un personnage des plus saisissants : l'usurier Jean-Esther Gobseck.

Gobseck est un des dix hommes qui tiennent le "monde" parisien en sous-main, prêtant à usure aux fils de famille ou aux entreprises au bord de la faillite, pour les aider à éviter le scandale ou à se livrer à leurs vices - le jeu, souvent. Gobseck est un homme poli, froid et dur en affaires, à qui on ne connaît aucune famille, et qui vit chichement, bien que sa fortune puisse être estimée à un montant exorbitant. de par la vie aventureuse qu'il a menée dans sa jeunesse et le métier qu'il exerce, Gobseck, qui s'est pris d'une sorte d'amitié (autant qu'il en soit capable, donc assez distante) pour le jeune avoué, qu'il a aidé à acheter sa charge en empruntant à un taux "raisonnable" de 15%, est une mine d'histoires croustillantes sur les dessous des grandes familles. Il a des théories affirmées sur les hommes et leur rapport à l'argent, et regarde tout cela sans s'impliquer, afin d'économiser son énergie pour vivre le plus longtemps possible. C'est un pragmatique pour qui "le bonheur consiste dans l'exercice de nos facultés appliquées à des réalités".
En développant ce personnage impressionnant de Gobseck en "une image fantastique où se personnifiait le pouvoir de l'or", Balzac nous présente les privilèges de la bonne société et ses turpitudes, avec l'exemple d'une femme de la haute société qui se perd en payant les dettes de son amant, Maxime de Trailles, bon-à-rien qui court les salons et semble vivre aux crochets des dames qui l'adorent, pour pas moins de cent mille livres par an. C'est en suivant les démêlés conjugaux de la comtesse et du comte de Restaud, jalonnés des interventions intéressées de Gobseck et désintéressées de Derville, que nous saisirons l'état de la société sous la Restauration.

Une fois de plus, Balzac fait oeuvre de peintre de la société de son époque et des caractères, des types sociaux, mis en valeur par leurs relations et leur rapport à l'argent. Gobseck, "ce Hollandais digne du pinceau de Rembrandt", fait presque figure de statue du commandeur, alors même que Don Juan est convoqué, dans cette scène où il éconduit Monsieur Dimanche pour ne pas payer ses dettes - ruse, on s'en doute, qu'il vaut mieux éviter avec un tel homme. Non sans une certaine fascination de la part de Derville, qui prend en charge la narration dans cette nouvelle, l'usurier représente la figure de l'homme de l'ombre, qui tire les ficelles et exerce le vrai pouvoir, mais qui n'en est pas moins, surtout avec l'âge, une malheureuse figure d'une passion poussée à l'extrême - l'avarice.
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